Visite officielle de Macron : un bilan en demi-teinte ?
Le président Emmanuel Macron a réaffirmé en marge de sa visite à Tunis l’engagement résolu de la France à soutenir la Tunisie dans ses efforts en faveur de la promotion de la jeunesse, de la relance de l’économie et de l’instauration de la démocratie. Un discours convenu ? Pas tout à fait.
54 minutes : C'est la durée record de l'allocution de Macron devant les parlementaires tunisiens
Fidèle à son style très orienté com’, le président quadragénaire français s’est fait remarquer par la presse locale en prenant notamment un selfie avec Béji Caïd Essebsi (91 ans), mais aussi par une plus traditionnelle accolade très appuyée avec le président tunisien à sa descente d’avion.
« Nous sommes dans un moment important de la vie de la Tunisie qui représente un vrai modèle de transition et dotée d’une Constitution exemplaire », a déclaré le président français lors d’une conférence de presse conjointe avec le président Béji Caïd Essebsi, à l’issue d’une première séance de travail au Palais de Carthage. « C’est une étape fondamentale qui se joue là. La Tunisie défend les valeurs démocratiques qui sont les siennes », a-t-il assuré, citant en exemple la démocratie, la liberté de conscience et l’égalité homme-femme.
De nombreuses promesses chiffrées
D’une façon plus convenue, mais toutefois précise, l’ancien banquier Macron a souligné la disposition de son pays à accompagner la jeunesse tunisienne sur la voie de la réussite, annonçant la création d’un fonds de 50 millions d’euros sur la période 2020-2022 destiné aux jeunes entrepreneurs désirant s’installer à leur propre compte. Par ailleurs, Macron a annoncé la création en 2020 d’une Université franco-tunisienne pour l’Afrique et la Méditerranée qui délivrera à Tunis des diplômes français.
Le président français a également fait état de l’ouverture d’une ligne de crédit de 100 millions d’euros pour la réforme des entreprises publiques tunisiennes et de la conversion de 30 millions d’euros de dettes en projets de développement notamment dans les secteurs de la santé et de l’enseignement supérieur. 60 millions d’euro de dettes tunisiennes ont déjà été convertis en janvier 2016 en projet de développement, a-t-il rappelé.
Contexte de détente post liste noire de l’UE
Pour sa part, le président de la République, Béji Caïd Essebsi a qualifié d’« excellentes » les relations tuniso-françaises, estimant que la visite d’Emmanuel Marcon va donner un nouvel élan à la coopération entre les deux pays. Essebsi a surtout tenu à remercier la France pour son appui soutenu aux efforts de la diplomatie tunisienne pour retirer la Tunisie de la liste noire des pays considérés comme paradis fiscaux.
Par ailleurs, le président de la République a fait état de la convergence des vues entre la Tunisie et la France autour des dossiers d’intérêt commun, citant particulièrement la crise en Libye qui, selon lui, ” doit être résolue par le dialogue loin de toute ingérence étrangère “.
Sur le plan géopolitique, « la Tunisie et la France partagent aussi la même position quant au droit des palestiniens à instaurer un Etat indépendant », a-t-il ajouté, Macron ayant récemment exprimé sa position critique envers la décision de Trump concernant le statut de Jérusalem.
« Le Printemps arabe n'est pas terminé », ou l’art de la formule
Huit accords de coopération ont été signés au total entre la Tunisie et la France lors d’une cérémonie organisée mercredi soir au palais de Carthage, sous l’égide du président tunisien et de son homologue français.
Les accords signés par les ministres et responsables des deux pays couvrent les domaines de la défense, de la sécurité, de la Justice, de l’éducation, de l’enseignement supérieur, de la recherche scientifique, de la formation professionnelle, de la culture, le développement économique et l’initiative privée ainsi que la gouvernance dans le secteur public.
Cependant, la presse française fustige déjà le fait que la visite du président français n'a donné lieu à « aucune annonce spectaculaire », comme le regrette Libération qui asséné, incrédule, une diatribe, tout en s’amusant du fait que « les automobilistes pourront suivre à la trace les cortèges officiels grâce aux multiples drapeaux tricolores accrochés le long des routes, aux marquages au sol repeints à neuf et à l’absence d’ordures débordant des bennes ».
Pour son adresse au Parlement tunisien, Macron a néanmoins tenté de marque le coup, à grand renfort de formules : « Le Printemps arabe n'est pas terminé et la Tunisie, où il est né en 2011, a le devoir de réussir sa transition démocratique pour rester un modèle […]. On a parlé de printemps, de Printemps arabe, on a parlé de révolution et beaucoup pensent que cette page est tournée. La page du Printemps arabe n'est pas tournée. Vous êtes en train de la vivre, de la faire vivre », a-t-il dit sans ambiguïté, et non sans une certaine emphase de communicant.
Or, « en Tunisie, le président Macron avait une autoroute mais il a pris un virage à droite ! », aura retenu une annonce au Forum économique France Tunisie ou l’on attendait Macron.