Une St Valentin ne fait pas le printemps
Des gâteaux en cœurs, des banderoles rouges, des bijoux en veux-tu en voilà, la Saintvalentinia a pris des allures de tourbillon à Casablanca, mais aussi dans les patelins les plus reculés du royaume. Des minettes qui dévalisent les magasins de vêtements aux jeunes étudiants qui misent toutes leurs économies dans un bouquet de roses hypothétiques en passant par le vieux cheval sur le retour, bardé de cartes de crédit qui tente de reprendre la main sur une ribambelle de jeunes bimbos qui font semblant d’aimer ça, il y en a pour tous les goûts, le kitch en plus.
Bien sûr, célébrer l’amour dans des pays où on ne s’est jamais autant détesté relève de l’absurde surtout quand on a pris la lettre et qu’on a évacué l’esprit de la fête. On pourrait penser que Shéhérazade, les mille et une nuits, le harem et la danse du ventre sont assez suffisants pour faire de nos contrées la patrie de Cupidon, or rien n’est plus déroutant pour l’autre sexe qu’une société libertine qui demande à ses femmes de jouer la comédie de la pudibonderie, de cacher leurs atours en public et de jouer à la garce une fois les feux éteints. Dans notre société, qui est malgré tout une société du non dit, on se vante désormais de raconter en public ses idylles amoureuses, on accouche de ses déboires sentimentaux en jouant la carte de la transparence. On offre plus facilement des fleurs, on échange des mots gentils, voire des déclarations d’amour enflammées, mais le tout enrobé de narcissisme avancé.
L’explosion des réseaux sociaux qui n’est pas la cause première de ce déballage intime a pleinement contribué au culte du Moi. Ce tout à l’égo a favorisé une publicisation de la vie intime où la frontière entre vie privée et vie publique n’est plus à l’ordre du jour sans que la relation avec l’autre sexe soit apaisée. Il y a bien entendu une jouissance dans l’exhibition de soi et que les femmes soient l’objet de cette délicate attention, en cette occasion, n’empêche pas que les hommes sont toujours réduits à faire leur incessante promotion, leur ego branding. Ce qui est moins drôle, c’est que ce romantisme mièvre tombe juste au moment où les femmes n’ont plus qu’une phrase à la bouche « tous les hommes sont des porcs » ! Comment envisager alors la St Valentin à l’époque de « balance ton porc » ? La rupture n’est-elle pas totalement consommée, y a-t-il encore place aux sentiments au moment où tous les hommes sont assimilés à des prédateurs, à des satyres en puissance tapis, dans l’obscurité, traquant la femelle dans l’entreprise, sur les bancs publics et les ruelles désertes ?
Certainement, mais il faudra d’abord régler cette histoire de « sexe sans consentement » qui empoisonne les relations avec l’autre sexe. Car si on veut résumer cette explosion de colère féminine qui tel un tsunami a frappé toutes les sociétés, on peut dire que l’amour, les relations amoureuses, le couple sont blessés par ce trop-plein de « relations sexuelles non consenties » qui reviennent dans tous les reproches faits à nous autres « cochons » sans restrictions aucune. Que la parole des femmes puisse aider les hommes à faire leur autocritique, que ce ramdam nous oblige nous interroger sur l’image de la femme qui est véhiculée, notamment dans la pub, la polémique changera certainement notre comportement vis-à-vis de l’autre moitié de l’humanité, mais que ce raffut serve à régler des comptes séculaires avec la gent masculine, voilà qui ne peut qu’être assimilé à une injustice sans nom pour tous ces gentlemen qui continuent de porter un regard empreint de respect envers cet être délicat.
En témoignent ces couples qui continuent de s’aimer au sens de Saint Exupéry, c’est-à-dire « Aimer, ce n'est pas se regarder l'un l'autre, c'est regarder ensemble dans la même direction ».
Abdellatif El Azizi