L’Algérie vue par sa jeunesse

 L’Algérie vue par sa jeunesse

A way of life


Vingt jeunes photographes algériens posent un regard singulier sur leur pays. Voilà ce que donne à voir cette exposition qui, après avoir été présentée à Alger et à Paris, fait escale à Marseille. 


Aperto Libro, une très belle série de Karim Tidafi, met en scène des passagers dans les bus de la capitale algérienne. On se surprend à imaginer la vie de ces anonymes. Où vont-ils ? A quoi pensent-ils ? Sur une autre cimaise, c’est une épave de voiture abandonnée qui intrigue. Dans sa série Handpicked Wrecks, Ramzy Zahoual, l’un des rares à avoir choisi la couleur, a souhaité mettre en avant la “relation entre la laideur et la beauté” et comment “quelque chose d’insolemment ordinaire, moche (…) pouvait être agréablement transformé par l’œil du photographe”.


Plus loin, c’est une femme absorbée par sa prière, dans ­Lumière d’âme, de Sihem Salhi, qui capte le regard. Un mystique nous surprend dans L’Homme à la djellaba, d’Ahmed Badreddine. Youcef Krache, dont le travail a déjà été primé, expose un combat de moutons dans la région d’Annaba dans son projet intitulé 20 cents. Avec Abdo Shanan, qui livre ici sa série Diary: Exile. Les deux artistes sont membres de Collective 220, un collectif qui réunit sept artistes algériens.


Autres clichés marquants, ceux de supporters dans un stade mis en scène dans Stadiumphilia, de Fethi Sahraoui, et aussi les graffitis sur les murs des quartiers populaires de la capitale algérienne de Mehdi Boubekeur, dans son œuvre Tag ala tags. Ou encore les jeunes hommes oisifs de Lola Khalfa dans Dégoûtage 2015, une série à mettre en regard avec Ça va waka, de ­Nassim Rouchiche, montrant les migrants subsahariens.



400 clichés sont exposés


Des portraits, des paysages… de la couleur et surtout du noir et blanc. Vingt photographes, âgés de 20 à 30 ans, et pour la­ plupart autodidactes, ont produit les 400 images réunies dans ­l’exposition “Ikbal/Arrivées, pour une nouvelle photographie algérienne”. Originaires de différentes régions, ils portent, ­chacun à leur manière, un regard singulier sur la société dans laquelle ils vivent. Issus d’“une génération très connectée”, ils ont tous ont suivi, en 2015, l’atelier de formation encadré par le photographe français Bruno Boudjelal à la Villa Abd El Tif, l’équivalent algérien de la Villa Médicis à Rome. Lauréat du prix Nadar, l’artiste assure le commissariat de cette exposition. De père algérien, il a lui-même beaucoup photographié le pays avec lequel il entretient une relation particulière.



Un regard sur soi


Les thèmes évoqués dans “Ikbal/Arrivées”, problématiques sociales ou interrogations intimes, et les lieux immortalisés – la ville comme la campagne (Les Célébrations rurales, de Ramzy Bensaadi) – abondent de richesse et de variétés. Car, au-delà de ce qui les distingue, ces jeunes artistes “parlent, à travers leurs images, d’eux-mêmes et de lieux dans lesquels ils vivent. C’est là un précieux témoignage de la grande vitalité de ce courant photographique qui traverse le pays”, estime Bruno Boudjelal. Et de souligner combien “il est essentiel que l’Algérie, comme de nombreux autres pays sur le continent africain, soit aussi racontée, décrite, photographiée… par les Algériens eux-mêmes”


MAGAZINE FEVRIER 2018