Pour le meilleur (et le pire) des mondes

 Pour le meilleur (et le pire) des mondes

Franck Ferville pour le Courrier de l’Atlas


L’écrivain Mabrouck Rachedi croque l’actualité. Ce mois-ci, l’auteur de “Tous les hommes sont des causes” évoque la rentrée, pleine de promesses et de craintes.


Les grandes vacances sont finies. Après une période de relative accalmie, où le transfert de Neymar au PSG a côtoyé les tribulations tragicomiques des députés de la nouvelle Assemblée nationale à la une de l’actualité, l’approche de la rentrée scolaire induit un nouveau rapport au temps. Comme l’a maintes fois répété l’exubérant commentateur sportif Patrick Montel tout au long des Mondiaux d’athlétisme, on a l’impression que “tout s’accélère”. Le monde entre dans un tourbillon, où les vents contraires permettent d’entrevoir une formidable révolution des modes de production et de consommation possiblement compromise par la folie de quelques-uns, qui pourrait précipiter la fin de nos civilisations.


 


Rationnaliser nos comportements d’usagers


Comme d’autres intellectuels, le brillant économiste américain Jeremy Rifkin brosse, dans La Nouvelle Société du coût marginal zéro (éd. Les Liens qui libèrent, septembre 2014), ce que pourrait être le monde de demain. La dématérialisation des processus de fabrication entraîne une réduction sans précédent des coûts de production à l’unité : une fois les coûts fixes absorbés, produire devient gratuit ou presque. Ce qui a valu pour la musique et autres biens culturels s’étend aux autres secteurs économiques. Les capteurs électroniques sont partout pour


récolter des données et rationaliser nos comportements d’usagers. Les communautés virtuelles fondent des nouveaux modes de consommation basés sur le partage plutôt que la propriété. La colocation généralisée des biens entraîne à la fois la responsabilisation quant à son entretien et une moindre facture énergétique. Rifkin cite l’exemple de l’industrie automobile. Les jeunes Américains achètent de moins en moins de véhicules pour faire de plus en plus appel à des services de transport via des applications téléphoniques. Si cette tendance se poursuivait et se généralisait avec l’arrivée des voitures sans chauffeur, on pourrait espérer une baisse du trafic routier de 80 % ! Ainsi peut-on entrevoir l’utopie d’un développement durable et solidaire.


 


Pris en otage par deux gamins capricieux


Alors que le meilleur des mondes, au sens premier du terme, semble à portée de main, sa fragilité apparaît chaque jour dans l’actualité. A peine le danger Daech semble-t-il s’amenuiser en Irak et en Syrie, que l’escalade entre la Corée du Nord et les Etats-Unis provoque un nouveau souffle dangereux sur le château de cartes géopolitique mondial. D’un côté, Kim Jong-un annonce avec force détails le plan de l’attaque de l’île américaine de Guam, de l’autre Donald Trump promet “le feu et la colère, comme le monde ne l’a jamais vu jusqu’ici”. Chacun remet en cause la raison de l’autre, à juste titre tant les délires des deux chefs d’Etat nous font nous interroger sur leur santé mentale. Le monde, lui, est pris en otage par ces deux gamins capricieux qui feraient rire s’ils ne disposaient pas d’un hochet dévastateur : l’arme nucléaire.


Le génie humain se voit tous les jours. La capacité à créer des objets inimaginables il y a tout juste vingt ans et à réinventer notre rapport à notre environnement défie l’entendement et la prévision. Il en va hélas de même pour le mal en nous, qui nous pousse à nous autodétruire quand les lendemains ont rarement été aussi porteurs de promesses. Au bout d’un de ces nombreux virages de l’Histoire, le Moyen-Age ou la Renaissance nous attend. Pour les hommes comme pour les civilisations, il n’y a pas loin du Capitole à la roche tarpéienne. 


MAGAZINE SEPTEMBRE 2017