L’irrésistible ascension d’Emmanuel Macron

 L’irrésistible ascension d’Emmanuel Macron

Franck Ferville pour le Courrier de l’Atlas


L’écrivain Mabrouck Rachedi évoque l’actualité. Ce mois-ci, l’auteur de “Tous les hommes sont des causes perdues” se penche sur l’élection du candidat d’En Marche ! à la présidence de la République.


Emmanuel Macron est le président de la République française. Personne n’aurait imaginé son élection il y a trois ans : le public apprenait alors la promotion du secrétaire général adjoint à l’Elysée comme ministre de l’Economie. Le formidable destin du poulain de François Hollande tient du génie : une fois sorti de sa lampe, il a fait un sans-faute en stratégie politique. Le jeune homme pressé a quitté le gouvernement avant d’être plombé par l’impopularité de l’exécutif, il a créé son mouvement, tandis que ses adversaires s’empêtraient dans des primaires dévastatrices, il s’est présenté au-dessus des partis en plein rejet du “système”, tout en étant suffisamment dedans pour rassurer les plus conservateurs, il a fait de son inexpérience de non-élu un gage de renouveau…


 


Macron, caméléon


Funambule suspendu sur le fil ténu de son programme dévoilé sur le tard, Emmanuel Macron n’a jamais eu peur d’avancer dans le vide, ménageant chèvre et chou, se dédisant quand ses propos contrariaient l’opinion, s’éloignant de certains fidèles sous la pression de la rumeur des réseaux sociaux. Cette propension pour le pas de deux et le flou artistique aurait pu lui porter préjudice, mais une incroyable conjonction de circonstances favorables l’a accompagné de bout en bout. La droite, à qui l’élection était promise, s’est engluée dans l’affaire Fillon ; Benoît Hamon, vainqueur surprise de la primaire de gauche, a marché sur les plates-bandes encombrées de Mélenchon. Entre la France insoumise à gauche et le Front national à l’extrême droite s’est ouvert un espace immense au centre. Juppé et Valls battus, Bayrou renonçant à ses ambitions personnelles pour rallier En Marche !, l’alignement des planètes s’est réalisé presque par magie. “Un bon politicien est celui qui est capable de prédire l’avenir et qui, par la suite, est également capable d’expliquer pourquoi les choses ne se sont pas passées comme il l’avait prédit”, estimait l’ancien Premier ministre britannique Winston Churchill. Macron, caméléon, aura eu le mérite de s’adapter à l’environnement politique hautement instable. Le Président bat le record de précocité de Louis-Napoléon Bonaparte et, pour paraphraser un autre Bonaparte sorti de sa campagne d’Egypte, du haut de sa pyramide (du Louvre), 39 ans nous ont contemplés lors d’un discours à la mise en scène qui lui a valu le surnom de Toutanmacron.


 


Commentaires de groupies


Le nouveau pharaon a été élu à 66 %, face à une Marine Le Pen qui s’est révélée à sa médiocrité lors d’un débat où elle s’est noyée dans ses fiches. Cela représente quand même 11 millions de Français dans un contexte d’abstention record. Les commentaires de groupies des journalistes lors de la passation de pouvoirs avec son ex-mentor Hollande ne doivent pas cacher l’incertitude des mois à venir. Après les couacs lors des investitures des candidats République En Marche !, le choix d’Edouard Philippe comme Premier ministre a donné une première couleur politique à celui qui en a toujours refusé une, la composition du gouvernement s’apparente à un jeu de compensation pour rééquilibrer les rapports de forces, les élections législatives l’exposeront ensuite au risque d’une cohabitation dès le début de son mandat… Puis, si tout se passe bien, il faudra faire travailler ces forces antagonistes ensemble. Emmanuel Macron commence à peine sa longue marche. Sa bonne étoile lui éclairera-t-elle le chemin pendant cinq ans ? 


MAGAZINE JUIN 2017