Education, demandez le programme !
Le candidat Macron affirmait vouloir faire de l’école la priorité du quinquennat. Le président Macron va-t-il la réformer à la sauce libérale comme promis ? Le choix du ministre de l’Education laisse peu de place au doute.
Bilans personnalisés pour chaque élève, individualisation des apprentissages via le numérique, stages de remise à niveau pour primaires et collégiens, formation d’un million de jeunes sans qualification, renforcement de l’autonomie des établissements, création de 4 000 à 5 000 postes… Les promesses de campagne d’Emmanuel Macron en matière d’éducation se sont multipliées. Objectif affiché : que l’école “garantisse la réussite de tous” et soit “vecteur de cohésion sociale”.
Déterminisme social
Le candidat devenu président s’est appuyé sur un sombre constat : le déterminisme social s’accroît et le système éducatif français n’est performant que pour une minorité d’élèves. Selon les enquêtes Pisa de l’OCDE, menées tous les trois ans, les inégalités se creusent à l’école et portent préjudice à l’insertion professionnelle des jeunes les moins qualifiés. Alors que certains élèves sont condamnés à fréquenter les établissements publics les plus mal lotis du secteur, d’autres bénéficient de cours particuliers ou sont orientés vers les écoles privées ou les prépas.
C’est en France que le parcours scolaire des élèves à 15 ans est le plus déterminé par l’origine sociale des parents. En clair, l’école n’est pas le pilier de la promesse républicaine d’égalité. Elle ne joue pas son rôle d’ascenseur social. Résultat, de plus en plus de parents issus des quartiers populaires éprouvent de la défiance vis-à-vis de l’école publique.
Mais porter un discours qui vise la réussite et l’épanouissement de chaque élève n’est pas nouveau. François Hollande voulait “remettre l’éducation et la jeunesse au cœur de l’action publique” en créant des postes supplémentaires, en transformant les méthodes pédagogiques ou en mettant en place un accompagnement personnalisé pour les élèves en difficulté. Objectif à l’époque : diviser par deux le nombre de jeunes qui sortent du système scolaire sans qualification. On connaît le résultat…
Volontarisme de façade ou pas, la nomination de Jean-Michel Blanquer au poste de ministre de l’Education nationale livre des indices sur ce qui attend le pays en matière d’enseignement. Ce proche d’Alain Juppé et de l’Institut Montaigne, un think tank libéral, connaît bien la maison. Il a exercé les fonctions de recteur de l’académie de Guyane puis de celle de Créteil. Il a été directeur adjoint du cabinet de Gilles de Robien lorsque celui-ci était à la tête de ce ministère, puis, sous Sarkozy et durant trois ans, il fut directeur général de l’enseignement scolaire. Ce quinquagénaire, ex-directeur général de la très select école de commerce l’Essec, a publié l’an dernier L’Ecole de demain (éd. Odile Jacob), un véritable livre-programme. D’obédience libérale, l’auteur y développe son modèle éducatif autour de quatre grands principes : l’autorité, l’autonomie, les fondamentaux et la hiérarchisation via l’évaluation.
Autonomie et mise en concurrence
Le ministre Jean-Michel Blanquer, pour qui les fondamentaux restent français et maths, veut renforcer l’autorité des chefs d’établissement et des directeurs d’école. Il souhaite leur accorder des pouvoirs accrus et un rôle hiérarchique auprès d’enseignants désormais soumis à évaluation. Macron a promis l’autonomie en matière de recrutement des enseignants, mais aussi d’annualisation du temps de travail et de gestion des volumes horaires selon les disciplines. Blanquer comme Macron envisagent la mise en concurrence des établissements avec contrôle de leurs performances. Reste à savoir comment procéder quand on sait que ceux-ci ne bénéficient pas tous des mêmes atouts.
Tri précoce des élèves
D’autre part, le Président et le ministre préconisent un tri précoce des élèves au sein de groupes de compétences, autrement dit, évalués et répartis par niveau. Avec le risque de voir les plus faibles freinés dans leur progression puis dirigés vers une hypothétique insertion dans la vie active au travers d’une voie professionnelle le plus souvent non choisie. Inquiétant, d’autant que les établissements professionnels risquent de tomber dans le giron des régions pour lesquelles les cursus doivent se définir en fonction des besoins économiques du territoire.
La France se prépare donc à des changements en profondeur qui vont à nouveau bousculer le système éducatif. Chaque mandature tente ainsi de marquer de son empreinte le secteur, quitte à empêcher toute mesure ou dispositif de porter ses fruits. Le nouveau ministre défend quatre grands principes : l’autorité, l’autonomie, les fondamentaux et la hiérarchisation via l’évaluation
DES ANNONCES EN PAGAILLE
Le ministre de l’Education nationale, s’engage à réduire de moitié le nombre d’élèves par classe en CP et en CE1 dans le réseau d’éducation prioritaire (REP) : dès cette rentrée, l’effort se concentre sur le CP (12 élèves maximum par classe). Pour cela, 2 500 postes seront créés (en réalité financés par l’ancien gouvernement). Grâce aux enseignants volontaires rémunérés en heures supplémentaires, aux assistants d’éducation, volontaires en service civique, associations, retraités et étudiants, l’aide aux devoirs gratuite dans les collèges voit le jour avec un déploiement progressif d’ici à 2020.
Autre nouveauté en REP : la mise en place de stages de remise à niveau à la fin des vacances d’été, en primaire et au collège, et plus seulement en CM1 et CM2. Les profs qui choisiront le REP, devraient bénéficier d’une prime de 3 000 euros nets par an.
En matière d’autonomie, les établissements pourront choisir leur rythme scolaire dès 2018 et revenir à la semaine de quatre jours s’il y a un consensus local et après une évaluation scientifique des différentes modalités d’organisation du temps scolaire. Le redoublement sera à nouveau possible dans certains cas, infléchissant ainsi les décisions prises fin 2014.
Quant au baccalauréat, il se déroulerait autour de quatre matières. Les autres seraient évaluées en contrôle continu. Derrière ce changement, se cache une plus discrète réforme de l’entrée dans le supérieur. Le bac ne serait plus le sésame pour accéder à l’université. Les établissements pourraient opérer une sélection en exigeant un niveau spécifique, avec un risque de surenchère pour attirer les meilleurs candidats et dégager les autres. Des stages de remise à niveau permettraient de s’y préparer.
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MAGAZINE SEPTEMBRE 2017