« La prison a pesé lourdement sur la vie d’Angelo, avant de causer sa perte », Aurélie Garand, la sœur d’Angelo
Un an. Cela fait un an qu'Angelo Garand est mort. Le 30 mars 2017, il a été abattu par une équipe du GIGN de Joué-lès-Tours venue en masse l’interpeller chez ses parents à Seur, près de Blois.
Angelo Garand était recherché par la police parce qu'il n'avait pas regagné depuis septembre 2016 sa cellule après une permission de sortie. Angelo Garand avait 37 ans. Il était le papa de trois enfants. Il avait aussi une sœur, Aurélie. C'est elle qui depuis sa mort mène le combat.
Plus d'un mois après le décès de son frère, elle apprend que ce jour-là, Angelo a reçu sept balles dans le thorax. Aujourd'hui, elle dénonce l'extrême violence de l’intervention policière mais aussi l’accumulation des peines de prison.
Angelo Garand a été incarcéré une première fois à l'âge de 22 ans. Le début d’une longue suite, presque ininterrompue, de séjours en prison. Des quatorze années suivantes, il en passera treize derrière les barreaux. "La prison a pesé lourdement sur la vie d’Angelo, avant de causer sa perte", répète Aurélie.
Un an après, ce samedi 31 mars à 15h, est organisé un rassemblement devant le tribunal de Blois, "afin que tout le monde se souvienne qu’Angelo avait le droit de vivre ce 30 mars 2017".
Aujourd'hui, cela fait un an que votre frère est mort…
Oui, c'est comme un compte à rebours. Jamais, on aurait pensé qu'on en arriverait là. Tout est tellement fragile. Plus les jours passent et plus on a soif de justice et de vérité.
Justement, où en est l'enquête ?
Au plan judiciaire, avec l’aide du collectif "Urgence Notre Police Assassine", nous nous sommes aussitôt constitués parties civiles dans l’enquête ouverte par le procureur. La juge d’instruction nous a auditionnés durant l’été dernier, puis est venue le 25 septembre 2017 faire ses constatations à Seur, sur les lieux de la mise à mort. Après avoir entendu les deux gendarmes auteurs des tirs mortels, contre l’avis du procureur, la juge a décidé de les mettre en examen. Ils sont poursuivis pour "violences volontaires avec arme ayant entraîné la mort sans intention de la donner". Le 30 janvier dernier, nous avons appris que l’instruction touchait à sa fin. Avant qu’un procès puisse avoir lieu, nous devons encore attendre les réquisitions du procureur, puis la décision de la juge.
Les gendarmes affirment qu'ils ont agi en état de légitime défense, qu'après avoir demandé à votre frère de se rendre, il aurait saisi un couteau…
Mon frère n'était pas armé mais pour justifier leur crime, les gendarmes disent le contraire. Ils disent aussi que mon frère était un individu dangereux. Alors pourquoi a-t-il bénéficié d'une permission de sortie ? La vérité c'est que depuis ses 22 ans, il n'a fait que des allers-retours en prison et qu'il voulait plus que tout être auprès des siens. Pendant les six mois où il était dehors, il s'est tenu tranquille. Il était chez mon père quand il s'est fait descendre.
Vous dites aussi qu'Angelo a été tué deux fois…
Il est mort une première fois à 22 ans. Pour une conduite sans permis et une bagarre, il a été incarcéré. Puis, ça a été l'escalade. En 14 ans, il en a passé plus de treize derrière les barreaux. Rien n'a été fait pour que mon frère se réinsère. La prison a pesé lourdement sur la vie d’Angelo, avant de causer sa perte. Il est mort une seconde fois quinze ans plus tard. En l’abattant, les gendarmes ont transformé ce qui aurait dû être une simple arrestation en une élimination pure et simple.
Qu'est-ce qui a changé en vous depuis la mort d'Angelo ?
J'ai pris conscience de la violence de l'Etat. Avant sa mort, j'étais loin de toutes ces problématiques. Ce qu’Angelo a vécu dans la prison, des dizaines de milliers d’autres personnes détenues continuent de le vivre. Ce sont d’abord les plus pauvres, les plus précaires, les plus discriminés, plus nombreux à être enfermés pour des délits mineurs. Pourtant tout le monde peut être amené à devoir le vivre, dans des conditions qui ne cessent de se dégrader. C'est pour cela qu'il est important de se mobiliser tous ensemble.
Les crimes policiers nous concernent tous. Angelo n’était pas qu’un numéro d’écrou, il n’est pas qu’une affaire, un dossier. Il était un homme, un frère, un père, un fils, un ami, dont la vie comme toute autre comptait. Ainsi, au-delà du nécessaire combat judiciaire, défendre sa mémoire nous engage aussi à nous mobiliser, informer la population, contribuer par nos actions, soudés aux autres familles de victimes, à élargir la solidarité face à l’impunité des violences commises sans nécessité ni proportionnalité, au nom de l’État.
Propos recueillis par Nadir dendoune