Feriel Berraies, l’urgence du caméléon
Fille de diplomate, elle-même ancienne diplomate, Feriel Berraies est une Franco-Tunisienne touche-à-tout, insatiable et féministe. Portrait.
Difficile de compter le nombre de vies de Feriel Berraies. A 48 ans, elle a endossé la carrière de diplomate, journaliste, chercheuse et sophrologue. Peu importe, pour elle, tout est lié : elle est « une humaniste activiste ».
« Je fais tant de choses en même temps », concède-t-elle, « toute ma vie est dans l’urgence. Cela ne m’a jamais quitté ».
Le temps aurait donc trop d’emprise sur elle, mais l’espace beaucoup moins. Elle parle cinq langues mais ne se sent « nulle part chez elle ». « Où que je sois, je suis toujours décalée », raconte Feriel Berraies, « pas assez française, pas assez tunisienne ».
« Trop libre dans ma tête »
Elle est née en Italie, a vécu en Tunisie, au Sénégal, grandi au gré des postes de diplomates de son père, cette figure très peu présente mais « ombre écrasante », ce qui ne l’empêchera d’ailleurs pas de marcher dans ses pas et de travailler pour la diplomatie tunisienne.
Petite, tous les cinq ans, il fallait donc déménager. Difficile parfois de s’intégrer, parce que « trop libre dans ma tête ». Ce qu’elle appelle finalement « une richesse assez lourde » lui aura permis de construire une carapace de « femme caméléon ». « Je n’ai fait que m’adapter à un monde où l’on bride les femmes ».
La veuve et l’orphelin
La dimension féministe est très présente dans le parcours de Feriel. Feriel, qui veut dire justice en arabe. « Depuis que je suis petite, je veux défendre la veuve et l’orphelin ».
Celle qui se définit également comme « hypersensible » a pris conscience de sa posture féministe alors qu’elle n’avait que 16 ans. Elle est à l’époque mannequin et observe le regard des hommes sur son corps et celui de la femme en général.
Feriel Berraies est criminologue de formation, chercheur en Sciences Sociales et auteur de deux essais intitulée « Enfance et Violence de Guerre », Tome 1 et 2, parus aux éditions L’Harmattan. Elle a également effectué une recherche scientifique de 7 ans sur la traumatologie de guerre des enfants et l’embrigadement des enfants dans les conflits armés.
Lâcher prise
Des épreuves, elle en a traversé et, cela de façon cyclique, dit-elle. Chaque fois, pour mieux « rebondir », se réinventer.
Depuis trois ans, elle cherche « un sens à sa vie », elle a plongé dans les médecines douces pour apprendre à désapprendre, pour lâcher prise. Un véritable défi pour elle, arrêter de tout « intellectualiser ».
Ce fut « un tsunami émotionnel » qu’elle a traversé au fil des attentats de ces dernières années : Charlie, Sousse, le Bardo, « j’ai vécu ça dans mes tripes ».
Aujourd’hui, Feriel se pose et se sent désormais en « cohérence » avec elle-même, en somme, « plus pragmatique ».
Femme Africaine
Elle vit en France depuis 15 ans. Elle, la Bourguibiste, a fui le régime Ben Ali, a fait ses bagages après avoir écrit une lettre sur le plafond de verre contre lequel se cognent inéluctablement les femmes qui veulent faire carrière.
C’est à cette époque qu’elle lance un magazine féminin panafricain « New African Woman », devenu depuis « Femme Africaine ».
Plus tard, elle crée « United Fashion for Peace Webzine », association puis webmedia qui verra défiler trois caravanes de mode éthique, à Ouagadougou puis à Paris.
En 2015, Feriel Berraies a par ailleurs reçu le Prix de l’Action Féminine de l’Union des femmes africaines.
Chloé Juhel
www.feriel-berraies-therapeute.com