Un scrutin « crédible » malgré quelques irrégularités selon les observateurs européens
Pour les premières élections législatives libres de l’histoire de la Tunisie, l’Union européenne a dépêché une importante mission d’observation. Également invitée par l'Instance supérieure indépendante des élections (ISIE), une mission d’observation plus modeste du Congrès des Pouvoirs Locaux et Régionaux du Conseil de l'Europe a fait le déplacement.
La mission d’observation électorale de l’Union européenne (MOE-UE) a déployé 124 observateurs. . Au total, elle a visité 537 bureaux de vote de 221 municipalités, sur les 300 que compte la Tunisie. Un dispositif « important, avec peu de précédents pour des élections municipales », a souligné Fabio Massimo Castaldo, vice-président du Parlement européen et chef observateur de la mission européenne. De son côté, le Conseil de l’Europe (COE) était représenté par sept observateurs membres du Congrès des Pouvoirs Locaux et Régionaux.
Les conclusions préliminaires des deux missions se rejoignent pour saluer des « élections bien organisées », selon le COE, et « une étape cruciale pour la démocratie tunisienne », ajoute la MOE-UE.
Les observateurs relèvent toutefois un certain nombre d’irrégularités, en particulier lors de la campagne électorale, et s’inquiètent de la très forte abstention, des jeunes notamment. Le COE note ainsi des « problèmes organisationnels isolés » de l’ISIE et des « accusations d’utilisation abusive des ressources administratives » à des fins partisanes.
La faible mobilisation des électeurs pose la question du désintérêt pour la vie publique. Seuls 34 % des 5,4 millions d’électeurs sont allés glisser un bulletin dans l’urne. Un chiffre à mettre en relation avec « un contexte socio-économique difficile et le désenchantement d’une partie de la population », estime Xavier Cadoret, chef de la mission du COE. « Il faut s’interroger sur les raisons de cette abstention, en particulier chez les jeunes », ajoute William Massolin, directeur du bureau de Tunis du Conseil de l’Europe.
La MOE-UE pointe du doigt les difficultés de l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE) qui a accusé « un retard significatif » dans la préparation de cette échéance. La faute à la « crise qui a affecté son fonctionnement », en référence de la démission avec fracas de son précédent président, Charfik Sarsar, qui avait mené à bien l’organisation des trois élections tenues depuis 2011.
Autre bémol : la campagne électorale « à peine visible dans l’espace public ». La faute à un contrôle « excessivement rigide » de la campagne par l’ISIE, en particulier « le plafond relativement bas des dépenses de campagnes » autorisées, indique Fabio Massimo Castaldo, vice-président du Parlement européen et chef observateur de la mission européenne. De même, la couverture médiatique, jugée « équilibrée » a été limitée en raison de « la complexité de la règle de répartition du temps d’antenne » instaurée par la Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle (HAICA). Les correspondants de la presse étrangère se sont aussi plaints des restrictions imposées à leur travail. La loi électorale interdit en effet aux candidats de faire campagne dans les médias internationaux. Une liste des candidats soupçonnés d’infraction a même été transmise à la HAICA avec à la clé de possibles peines d’amende.
Rached Cherif
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