Fanfaraï Big Band : « On veut rappeler la vitalité du raï »
La musique de ce joyeux big band est une terre d’accueil sonore, où se croisent jazz, chaâbi, gnaoua, funk et salsa. Samir Inal, oudiste et percussionniste, nous révèle les coulisses du nouvel album du groupe, qui rend hommage à Boutaïba Sghir, une icône du raï.
Pourquoi avoir baptisé votre troisième opus “Raï Is Not Dead” (le raï n’est pas mort) ?
En France, depuis quelques années, cette musique est oubliée. Est-ce à cause du terrorisme, du racisme ? Au-delà du clin d’œil humoristique au célèbre “Punk is not dead”, on veut rappeler la vitalité du raï. On revisite ici des morceaux inédits des années 1970 du grand chanteur algérien Boutaïba Sghir. Comme souvent dans le raï, ses chansons parlent d’amour, de la beauté des femmes, de danse, de fête… C’est un vrai travail d’arrangement, car elles sont très courtes : il faut créer quatre minutes de musique à partir de huit mesures ! On compose des thèmes autour, pour y ajouter notre patte, pour que ça sonne Fanfaraï. Depuis nos débuts, Boutaïba fait partie de nos influences, avec son compatriote contemporain Messaoud Bellemou, qui a vraiment modernisé ce genre musical en y introduisant la trompette, l’accordéon, la guitare électrique… Tout comme Raïna Raï, dont le mythique guitariste, Lotfi Attar, a posé ses riffs sur l’un des titres de l’album, Waliye. Enfin, on invite la nouvelle génération, avec Sofiane Saïdi, qui chante sur Diri Yadik.
Et en Algérie, comment se porte le raï ?
Au début des années 1980, il était encore mal vu par les autorités, les médias, puis il s’est démocratisé et a été popularisé par des artistes comme Khaled. Pendant les années noires du terrorisme, le raï a vraiment pris une claque, des chanteurs ont été assassinés… Aujourd’hui, c’est une musique populaire, écoutée partout dans le pays. Des cassettes et des disques circulent, elle se joue dans les cabarets, les cafés, mais elle demeure peu présente sur les grandes scènes et dans les festivals. Et musicalement, le genre s’appauvrit, malheureusement. Il y a de très bons chanteurs, mais très peu de groupes. Ça se limite à une boîte à rythmes, un synthé et un percussionniste. Même les voix sont synthétisées.
Votre groupe est composé de 12 musiciens multi-instrumentistes, chacun avec ses propres influences. Comment se crée l’harmonie ?
C’est un travail commun, auquel chacun d’entre nous contribue. Il faut veiller à garder le rythme, pour que ça groove. Mais on ne se met pas de limite esthétique : dans les accords, l’harmonie, ça va loin ! On mélange le guembri, le violon… Moi, je joue de l’oud et des percussions (de la derbouka). L’oud était un rêve pour moi, mais il n’est pas présent sur les morceaux raï, car sa sonorisation n’est pas très forte. D’ailleurs, le mandole algérien a été conçu par le grand chanteur de chaâbi Hadj El Anka dans les années 1930. Il a demandé à un luthier de lui fabriquer un luth qui ait une plus grande portée sonore que l’oud.
De quoi parle la chanson “Hamouda” ?
C’est un chant traditionnel gnaoua que nous avons enrichi de musique et de paroles. Hamouda s’inspire de l’assassinat, en pleine rue, du neveu de notre chanteur, Abdelkader Tab, par une connaissance, et pour une broutille. Elle parle de la violence des jeunes aujourd’hui en Algérie. Ils ont perdu leurs repères.
RAÏ IS NOT DEAD
de Fanfaraï Big Band, Tour’n’sol / L’autre distribution, 12 €.
En concert : le 15 septembre au Studio de l’Ermitage, à Paris (XXe) ; le 22 septembre au Théâtre Antoine-Vitez, à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne).
Voir aussi :
Anne Berthod (Télérama) : "Le raï a survécu sous d'autres formes"