Abdelkrim Chemseddine : « Le Maroc doit investir dans la jeunesse »
Ce professeur de physique-chimie, basé à Berlin, fait partie d’un réseau germano-marocain, afin de contribuer au développement de son pays d’origine, où il a enseigné dix mois. Avant de gagner sa renommée dans différents pays.
Quel a été votre cheminement, depuis votre ville natale jusqu’à Paris ?
J’ai grandi à El Jadida dans une famille de onze enfants. Je suis ensuite parti à Rabat pour mes études de physique-chimie, où j’ai terminé major de ma promotion. J’ai discuté avec un professeur du Collège de France, venu donner une conférence, sur la possibilité de faire mon doctorat avec lui. Il a accepté et je suis arrivé à Paris pour mon DEA (diplôme d’études approfondies). Je me suis retrouvé avec 12 candidats, qui venaient de Normale-Sup et de Polytechnique. Il fallait donc carburer pour se mettre au niveau. Le week-end, les étudiants faisaient la fête pendant que je travaillais dur dans ma chambre.
Votre doctorat d’Etat en poche, vous avez décidé de partir aux Etats-Unis. Pourquoi ?
Dans mon jury, il y avait un Américain de l’université UCLA de Los Angeles, qui m’a proposé de venir en Californie. J’ai intégré le département des sciences des matériaux, dans le but d’y faire un post-doctorat. Mais avant de partir, j’avais déposé une candidature auprès d’une fondation allemande, qui finançait certains projets de jeunes chercheurs. Et après un an à UCLA, mon dossier a été accepté à Munich. J’y suis donc allé.
Une fois votre projet terminé, qu’avez-vous fait ?
J’ai toujours eu envie de retourner au Maroc pour aider mon pays. J’ai donc postulé dans ma ville, El Jadida. J’ai discuté avec le doyen et il m’a confié le poste de maître de conférences. Je n’y suis resté que dix mois, car je voyais que les étudiants n’étaient pas sérieux. Certains n’étaient pas conscients de la fonction d’une université dans un pays.
Après ce bref retour, vous êtes retourné en Allemagne…
Oui, j’ai décidé d’aller à Berlin. Je suis arrivé comme invité scientifique pour un contrat d’un an et, à la fin, ils m’ont offert un poste permanent. J’ai pris un congé sabbatique pour aller au Georgia Institute of technology à Atlanta (aux Etats-Unis, ndlr), où j’ai enseigné la nanotechnologie à des physiciens et à des chimistes durant quatre mois. Par la suite, j’ai pris un autre congé de deux ans, cette fois pour aller travailler avec la Qatar Fondation et y développer la recherche. Ils voulaient créer un institut, qu’ils ont appelé “Qatar Institut of Energy Environment”, et je me suis chargé du recrutement des chercheurs et du personnel.
Vous gardez un lien avec le Maroc ?
Oui, j’y retourne très souvent avec ma famille pour les vacances, mais pas seulement. Je fais régulièrement venir des étudiants marocains en Allemagne et je suis un membre actif du Deutsch-Marokkanisches Kompetenznetzwerke (DMK), un réseau mis en place pour aider le Maroc à se développer. Pour que le pays décolle, il faut trouver des moyens afin d’encadrer les jeunes. Les bases s’inculquent dès l’école primaire, il faut leur apprendre à réfléchir par eux-mêmes et ne pas laisser d’autres réfléchir à leur place.