Benalla, Booba, Trump : Tempêtes du désert

 Benalla, Booba, Trump : Tempêtes du désert

crédit photo : F. Ferville pour Le Courrier de l’Atlas


L’écrivain Mabrouck Rachedi pastiche l’actualité. Ce mois-ci, l’auteur de “Tous les hommes sont des causes perdues” établit un lien entre le dérèglement climatique et les dérèglements observés cet été sur la scène politique et médiatique.


Le dérèglement climatique entraîne de drôles de conséquences. Non seulement il a fait 30 degrés en Laponie en juillet, mais une “tempête dans un verre d’eau” a été relevée par le professeur en météorologie Emmanuel Macron. C’est ainsi que le président de la République a qualifié l’affaire Benalla, du nom de ce chargé de mission dont l’usage vigoureux de la matraque s’est retourné contre lui.


Alors que le chef de l’Etat aurait pu surfer sur une belle vague pendant tout l’été grâce aux vents porteurs de la tornade bleue pendant la Coupe du monde de football, il s’est trouvé dans l’œil du cyclone. Le jeune homme de 26 ans, dont l’accès aux armes de service semble aussi aisé que les entrées à l’Assemblée nationale, est devenu le symbole d’une République en Marche désordonnée, qui accorde à certains privilégiés autant de latitude dans les coulisses du pouvoir qu’à Belphégor dans les couloirs du Louvre. Des versions contradictoires sur les attributions des uns et des autres, pour ne pas dire leurs passe-droits, ont épaissi l’écran de fumée et fondé des accusations de mensonges. Le candidat Macron avait pour slogan “La France doit être une chance pour tous”. Elle l’est tant et plus pour Alexandre Benalla, heureux bénéficiaire des largesses de l’Elysée.


 


Méditer sur la différence entre virtuel et réalité


Tempête dans un verre d’eau… de Cologne, tel aurait pu être le titre du combat surréaliste qui a opposé la bande de Booba et celle de Kaaris à Orly. En chantant “que des numéros 10 dans ma team”, Booba omettait qu’il y avait aussi des N° 5… de Chanel ! Le Duc de Boulogne et son ancien protégé ont réglé leurs comptes à coups de lancers de parfum dans une boutique duty-free. Le rap français est passé de l’école du micro d’argent à la cour de récré le temps d’une bataille rangée mise en ligne sur les réseaux sociaux par des dizaines de témoins. Le problème est que les deux rappeurs étaient dans un aéroport et que ce ne sont pas seulement des avions en papier qui ont été retardés. Ils ont été placés en détention provisoire, où ils doivent méditer sur la différence entre un clash virtuel sur Instagram et la réalité d’une rixe dans un lieu public.


 


La sécheresse intellectuelle


Tempête sous un crâne, c’est l’état permanent de Donald Trump, qui parvient à se trouver quotidiennement des ennemis avec qui ferrailler sur Twitter. Un jour il s’en prend au basketteur LeBron James après une interview télé ; un autre il s’excite sur l’opposition démocrate qui dénonce ses versions alternatives à propos de ses liens avec la Russie lors de la campagne présidentielle. Sa colère, généreuse, le conduit à s’emporter indistinctement contre la Chine qu’il menace de sanctions douanières, contre l’Iran, qu’il a désigné comme le grand méchant loup du scénario qui se joue dans sa tête, contre l’Europe, qui refuse d’observer la règle d’extraterritorialité des sanctions qu’il veut appliquer aux entreprises internationales… Cracher sur les autres est une façon de faire régner une pluie permanente sur l’environnement géopolitique mondial.


On commençait cette chronique par le dérèglement climatique, dont les effets seront aggravés par le retrait des Etats-Unis des accords de Paris : on peut espérer que la sécheresse intellectuelle cessera lors du retrait de Trump de la vie politique et que le monde sera ainsi plus OKLM*.


 


* Expression popularisée par Booba : OKLM signifie “au calme”.