Islamistes versus modernistes : Liberté d’expression à géométrie variable

 Islamistes versus modernistes : Liberté d’expression à géométrie variable

Le prédicateur et professeur de théologie égyptien Omar Abdelkafi. Crédit photo : Capture d’écran.


Je n’ai aucune sympathie pour le prédicateur Omar Abdelkafi, ce télévangéliste qui a endormi et endort encore l’esprit critique de millions d’arabes. Je trouve que ce dogmatique au ton mielleux et aux faux sourires qui suscite l’émoi et l’émotion chez des minettes voilées et des minets à peine imberbes est plus dangereux que le djihadiste qui vous appelle franchement à prendre les armes contre le monde. 


Ceci dit, je ne suis pas d’accord avec cet appel à l’interdiction de ses conférences à Rabat où il devait participer à des conférences culturelles, littéraires et religieuses les 24 et 25 novembre. Il est quand même particulièrement contradictoire d’appeler à l’interdiction d’un conférencier au nom de la liberté d’expression !


Cette énième polémique repose sur un certain nombre de non-dits. Elle s'inscrit dans la lignée générale d'une dégradation du climat dans lequel pataugent les querelles entre l’islam des barbus et les quelques modernistes laïcs qui n’ont jusqu’à présent toujours pas le courage d’assumer au grand jour leur laïcité.


Le débat qui occupe l’espace public s'est posé de la manière suivante: l’opposition ontologique se jouerait entre un Maroc pluraliste, ouvert et tolérant et un Islam fanatique, fermé et menaçant. En somme, l'Etat de droit contre le fanatisme religieux. La problématique est-elle vraiment de cet ordre? L'enjeu renvoie-t-il réellement à la sphère théologique? La liberté d'expression a des limites et ces limites sont consacrées par la loi, au delà nous sommes dans un autre combat et celui-ci relève de l’idéologie.


Bien sûr que non, les millions de marocains qui vivent leur foi dans la quiétude et le respect des valeurs universelles n’ont rien à voir avec « ces commerçants » de la chose religieuse que sont le PJD, Al Adl Wal Ihsane ou encore ces confréries pseudo soufies que sont la Boutchichiya, pour ne citer que ceux là. En face, les deux pelés et trois tondus qui se posent en « libres penseurs voltairiens », dignes « héritiers des Lumières », alors qu’ils ne sont que les victimes d’une francophonie matinée de modernisme ne représentent aucune alternative crédible. Alors, cessons de jouer les candides, le Maroc silencieux, ce pays profond qui échappe autant aux chantres de la modernité débridée qu’aux obscurantistes barbus cherche autre chose et attend autre chose de son élite.


Si les partis politiques qui vendent de la modernité sont si peu écoutés aujourd’hui, ce n’est pas parce que les islamistes du PJD sont très forts,  mais tout simplement parce que ce sont ces mêmes partis qui ont réussi à entretenir la peur du loup barbu. Un loup qui serait quasiment invincible ! L’hégémonie politique des islamistes fait partie de ces mythes bien ancrés dans l’imaginaire collectif de la classe politique marocaine. Bien sûr, le mythe est sans doute entretenu par des résultats électoraux passables alors que l’implantation du mouvement sur tout le pays est faux, que sa tutelle sur les mosquées, associations islamiques, écoles coraniques et autres administrations, c’est du pipeau que l’omniprésence des barbus et des femmes voilées dans le quotidien et qui est un blanc seing donné au PJD est une grosse esbroufe etc.. Les islamistes ont tout intérêt à entretenir ce mythe par ses menaces à peine voilées sur un pays menacé du chaos en l’absence des islamistes au gouvernement.


Alors que le terrorisme intellectuel des islamistes pèse souvent plus lourd que la vérité, ils n’ont personne en face pour saper la fonction prophétique qu’ils se sont arrogés et contrer la revendication du ministère des masses dans une posture d’imprécateurs qui font d’eux, par défaut, les défenseurs des grandes causes du peuple.