A Barcelone, le « DESC » examine la place des droits économiques en Tunisie
Sous le thème "Constitutionnalisation des droits sociaux : bilan international, perspectives et propositions", une conférence d’analyse et de débat autour de 25 ans de processus constitutifs en Amérique Latine, en Afrique, et plus particulièrement en Tunisie, vient de s’achever dans la capitale catalane, organisée par l’Observatoire des droits économiques sociaux et culturels.
Les intervenants, dont notre correspondant en Tunisie Seif Soudani, sont revenus sur l’expérience relativement nouvelle des garanties constitutionnelles en matière de droits sociaux dans leurs pays respectifs.
Des années 90 pour l’Afrique du Sud, à plus récemment à partir de 2014 pour la Tunisie, l’objectif était d’aboutir à des pistes de réflexions utiles en vue de nouvelles propositions et perspectives pour la Catalogne et l’Europe.
Pour l’ancien juriste et député constituant colombien Jimena Serra, c’est en Colombie (Constitution de 1991 consolidée en 2004) qu’est initiée l’idée d’une constitutionnalisation progressive des droits économiques.
Le 4 juillet 1991 la Colombie est en effet déclarée « État social de droit, organisée en République unitaire, décentralisée […], démocratique, participative et pluraliste, fondée sur le respect de la dignité humaine ».
Elle garantit la primauté des droits inaliénables de l'homme (art. 5), la protection de la diversité ethnique et culturelle du pays (art. 7), l'inviolabilité du droit à la vie (art. 11), le principe de non-discrimination pour quelque motif que cela soit (art. 13), les droits de la femme (art. 43) et de l'enfant (art. 44) ainsi que ceux des travailleurs (art. 53 à 57). Elle supprime enfin la notion d'état de siège, remplacé par celui d'état de commotion interne, beaucoup plus restrictif et protecteur des droits de l'homme. En outre, elle va vers une décentralisation de l'État, les départements acquérant une relative autonomie, l'État central leur déléguant les responsabilités administratives et entérinant les élections directes des maires et gouverneurs de départements.
« Processus en Afrique : 25 ans entre l’Afrique du Sud de Mandela et la Tunisie du printemps arabe »
Au lendemain de la journée inaugurale, c’est Danie Brand, professeur de droit public, et directeur du Centre pour les droits de l'homme de la Free State University intervenant par vidéoconférence, et Seif Soudani, universitaire et correspondant Tunisie du Courrier de l’Atlas, qui ont procédé à une lecture comparative des processus constituants des deux pays.
A bien des égards, les deux pays ont eu une destinée commune, s’agissant notamment de justice transitionnelle émanant d’un contexte post nouvelle constitution. Ainsi les deux intervenants sont tombés d’accord sur le fait que malgré les différences culturelles entre une Afrique du Sud de tradition chrétienne où les notions de repentir et de pardon ont plus naturellement inspiré ce processus, et une Tunisie qui connait encore une phase de transition tourmentée, la notion de dignité humaine est dans les deux cas au centre de la philosophie des nouveaux textes élaborés par les constituants.
La Catalogne en quête de modèles régionaux
La crise économique et du logement de la fin des années 2000 et du début des années 2010 ainsi que la décision du Tribunal constitutionnel espagnol d'invalider plusieurs dispositions du statut d'autonomie avaient pour rappel entraîné d'importantes tensions sociales et politiques en Catalogne de même qu'entre la communauté et le gouvernement central.
Cela aboutit à la montée du mouvement des Indignés et de l'indépendantisme catalan, caractérisé par la victoire d’une liste de la gauche radicale et écologiste aux élections municipales de 2015 à Barcelone, permettant l'accession au poste de maire de l'activiste Ada Colau, et par celle de l'alliance indépendantiste Junts pel Sí aux élections au Parlement de Catalogne de la même année.
En octobre 2017, un référendum pour l'indépendance de la Catalogne est organisé. Ce dernier se tient dans un contexte de vives tensions entre l'État espagnol, qui a déclaré cette consultation illégale. Le Tribunal constitutionnel espagnol a suspendu le 12 septembre 2017 la loi définissant les modalités légales de création d'un État catalan votée par le Parlement de Catalogne. Bien qu'étant soutenu par l'essentiel de ses homologues européens, le gouvernement espagnol de Mariano Rajoy est encore vivement critiqué dans la presse internationale pour l'ampleur de la répression.
Depuis les initiatives de la société civile catalane pour examiner d’éventuels modèles pouvant inspirer, demain, un nouveau statut pour la Catalogne se multiplient, à l’image en l’occurrence de celle du DESC, qui a vu l’afflux de conférenciers venus du monde entier.