Gennevilliers – « En tant qu’habitant des quartiers populaires, je me sens directement concerné par les Gilets jaunes », Nasser Lajili
Nasser Lajili est un militant associatif très impliqué à Gennevilliers (92), ville de banlieue parisienne où il vit depuis toujours. Il est également élu au conseil municipal sur une liste citoyenne. Alors que les quartiers populaires ne semblent pas très mobilisés en faveur des Gilets jaunes, lui a décidé de s'y investir pleinement. Il nous explique pourquoi.
LCDL : Vous êtes originaire de Gennevilliers en banlieue parisienne où vous vivez toujours. Vous êtes très mobilisé en faveur des Gilets jaunes. Vous ne ratez aucun rassemblement. Pourquoi une telle détermination ?
Nasser Lajili : Je considère que ce mouvement fait converger une multitude de revendications de la part de nombreuses couches de la population française mais qui ont toutes en commun d'être d'origine populaire. C’est cela qui donne une grande force à ce mouvement.
C'est la raison pour laquelle je crois sincèrement que ce mouvement obtiendra des débouchés positifs pour l’ensemble de la population française. Et évidemment pour les habitants des quartiers populaires dont je fais partie.
A titre personnel, je me bats donc pour les miens, pour ma famille, pour l'avenir de mon fils. En tant qu'habitant des quartiers populaires, je me sens donc directement concerné par les Gilets jaunes.
On a l’impression que les quartiers populaires ne semblent pas très mobilisés en faveur des Gilets jaunes. Comment l'expliquez-vous ?
La mobilisation existe pourtant dans certains quartiers populaires, même si elle est moins importante qu’ailleurs, je le concède. D'abord, parce que les manifestations ont lieu essentiellement à Paris et non en banlieue. Néanmoins, je vous assure que beaucoup de manifestants dans les rues parisiennes viennent des banlieues populaires.
Ceci dit, il est vrai que les quartiers populaires de banlieue parisienne, notamment les jeunes, sont relativement moins mobilisés que les villes de province.
Ceci s’explique sans doute par le fait que les habitants des quartiers populaires ont beaucoup donné par le passé, comme lors des révoltes sociales de 2005. Souvent, ils ont été seuls. Ils n'ont pas reçu le soutien des autres couches de la population française alors forcément, ça en refroidit plusieurs.
Une autre raison qui revient souvent dans la bouche de certains habitants des quartiers populaires est la crainte qu’ils ont de voir imputée à eux seuls toute la responsabilité de la casse. L’image des banlieues est déjà en piteux état.
Et puis, on connait aussi le sort que la police et la justice de manière générale réserve aux habitants des quartiers populaires : ils sont tous les deux bien moins indulgents avec nous.
Quelles sont les réactions des habitants des quartiers populaires face à votre engagement en faveur des Gilets jaunes ?
Je n'ai pratiquement que des retours positifs, des encouragements et énormément de soutiens. Ils comprennent très bien mon engagement et partagent même les revendications de justice sociale, de justice fiscale, de pouvoir d'achat, de vraie démocratie.
Simplement, ils préfèrent ne pas participer physiquement, chose que je peux comprendre. Sans doute par fatalisme, avec l'idée que le mouvement n'aboutira à pas grand-chose.
Tout cela peut changer, y compris leur état d'esprit. J'ai espoir que le mouvement prenne de l'ampleur avec une participation plus importante des habitants des quartiers populaires. Je pense sincèrement que de vraies avancées sont enfin à notre portée.
Justement, pourquoi, selon vous, le mouvement des Gilets jaunes est bénéfique pour les habitants des quartiers populaires ?
Car c'est d'abord dans ces quartiers, au même titre que dans les zones rurales, qu'on souffre le plus de la dégradation ou de la suppression des services publics, des injustices sociales, de la précarité, du chômage, de la pauvreté, de l'absence de démocratie réelle. Toutes ces tristes réalités que nous devons combattre sont au cœur des motivations des Gilets jaunes.