Migrants au Maghreb : réalités distinctes
Aux portes de l'Europe, le Maghreb voit passer les migrants en quête de traversée de la Méditerranée, avec des réalités propres à chaque pays.
Tunisie, en quête d'une loi
« Nous n'avons pas encore une loi sur le droit d'asile (…) l'association a envoyé une lettre au Président de la République, au Président du Parlement, pour lui demander d'activer la convention sur les droits des migrants » explique Messaoud Romdhani, président du Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES), lors de la rencontre « Maghreb : les migrants entre l’hospitalité et l'hostilité » organisée par l'Institut du Monde Arabe.
La Tunisie dénombrerait environ 75 000 migrants dont la plupart ayant entre 21 et 31 ans. Suite à la crise libyenne en 2011, nombre de migrants ont passé la frontière séparant la Tunisie de la Libye. Certains ont pu s'installer dans le Sud de la Tunisie, mais étant donné qu'aucune loi nationale sur l'asile ayant été promulguée, il est extrêmement compliqué d'obtenir le statut de réfugié. De plus, ils font face à de l'hostilité, voire du racisme : « Le racisme en Tunisie existe encore malgré le déni de certains ». Là aussi les choses avancent puisque l'apologie du racisme peut valoir une peine entre un et quatre ans de prison, ainsi qu'une amende.
Le business libyen
Longtemps resté le circuit préférentiel des personnes migrantes pour rejoindre l'Europe, la traversée de la Libye comporte des dangers inévitables. Etienne Dubuis, journaliste au quotidien suisse Le Temps et auteur du livre Les Naufragés. L’odyssée des migrants ? (Khartala, 2018), a pu recueillir de nombreux témoignages de migrants lors d'un séjour en Sicile. « Ils représentent de l'argent parce qu'ils sont totalement vulnérables » selon le journaliste. La Libye en forme de piège.
Les chauffeurs « livrent » les migrants à des milices dès leur arrivée dans le Sud du pays. Souvent l'étape suivante est la prison où ils sont dépouillés du peu qu'il leur reste. « Ils deviennent des otages, les proches sont appelés. Pendant l'appel on torture le migrant de façon à ce qu'il supplie qu'on envoie l'argent » récit glaçant de l'auteur. Travail forcé, esclavage, une fois en Libye, le destin des migrants ne leur appartient plus.
De l'émigration à l'immigration
« C'est un pays confronté à ses propres paradoxes, un pays d'immigration, nous sommes plus de trois millions de personnes à l'étranger. Un pays devenu un pays de transit aussi » selon Omar Samaoli, directeur de l’Observatoire gérontologique des migrations en France notamment.
Le Maroc est devenu ces derniers mois, le trajet préférentiel des personnes migrantes pour venir en Europe. Au Maroc, il existe du racisme à l'encontre des migrants. « Pourquoi hostilité ? la première difficulté, c'est ce que nous avons connu aussi dans ce pays [France, ndlr] lorsqu'on a superposé les misères des uns sur les autres » rappelle M. Samaoli.
Les migrants (sur)vivent dans les quartiers « populaires », en périphérie des grandes villes comme Casablanca. Une situation également directement liée au fait que l'Europe ait poussé ses frontières jusque sur le continent africain afin de réduire le flux migratoire.
Sauvetage désormais quasi inexistant en mer Méditerranée, externalisation des frontières en Afrique, l'Europe se décharge et laisse une équation à multiple inconnus sur les bras des pays du Maghreb.