Ben Salmane et Ben Laden : Quels liens ?

Jusqu’où ira Ben Salmane ? Non content de plonger le Yémen dans la préhistoire en tuant notamment depuis mars 2015 quelque 10 000 personnes, dont 9 500 civils, et provoquant du même coup «la pire crise humanitaire» au monde selon l’ONU, sans compter les 84 700 enfants décimés par la faim ou la maladie, selon l' ONG Save The Children, le chef de guerre au Yémen vient d’ouvrir toutes grandes les portes du pays aux combattants d’Al-Qaeda en attendant le retour des wahabites de Daech. 

C’est la chaîne américaine CNN, qui l’a dévoilé dans une enquête bien fouillée, la coalition menée par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis est accusée de transférer des armes de fabrication américaine à des milices yéménites d’Al-Qaeda dans la péninsule arabique (AQPA).

Le reportage des journalistes américains montre notamment des véhicules blindés MRAP envoyés depuis Beaumont, au Texas, à destination d’Abou Dhabi, alignés non loin de la ville portuaire de Hodeida et portant l’inscription « Alwiyat al-Amalqa » (Brigade des géants), nom d’une milice yéménite composée majoritairement de combattants djihadistes.

Les images et les témoignages publiés par la chaîne américaine mettent en exergue notamment les liens entretenus avec AQPA, d’une part, et le transfert d’armes en provenance d’un pays allié, les États-Unis, à une organisation terroriste. Des révélations qui mettent également Washington dans l’embarras, surtout que l’Oncle Sam est officiellement engagé aux côtés de la coalition pour traquer les djihadistes au Yémen, par l’envoi notamment de forces spéciales au sol dans des missions de soutien aux combattants locaux dans leur lutte contre AQPA, tandis que les raids aériens ont été multipliés sous l’administration de Donald Trump.

Si en réponse aux affirmations de CNN, le porte-parole de la coalition, le colonel Turki al-Malki, a « démenti ces accusations et souligné l’engagement des pays de la coalition à faire face à la prise de contrôle illégale au Yémen par les Houthis, en plus d’affronter de manière décisive d’autres groupes terroristes tels que l’État islamique et Al-Qaeda dans la péninsule arabique », à travers l’agence de presse saoudienne SPA, ce n’est pas la première fois que les Saoudiens sont montrés du doigt dans leurs rapports avec les terroristes d’Al-Qaeda.

En août 2018, ce fut la très sérieuse agence de presse Associated Press qui avait fait état d’accords secrets entre des combattants d’ Al-Qaeda et la coalition. Riyad dont les liens avec Al-Qaeda sont bien connus négociait notamment leur départ des villes stratégiques à coups de pétrodollars et en assurant une retraite  dorée aux djihadistes qui le désiraient.

Selon l’AP, les militants d’ Al-Qaeda se sont  retirés en 2016 de la ville portuaire de Moukalla, capitale de l’émirat autoproclamé de l’organisation terroriste, et des provinces d’Abyane et de Chabwa, en échange de compensations financières et de l’intégration des terroristes qui le souhaitent au sein du groupe Ceinture de sécurité, composé de milices d’Aden et appuyé par Abou Dhabi.

Si l’alliance conduite par l’Arabie saoudite et les E.A.U et le transfert des armes américaines aux combattants d’AQPA dans le cadre d’accords secrets, sont une donnée factuelle, les liens entre le terrorisme d’ Al-Qaeda et de Daech avec le royaume wahabite ne sont pas un secret.

La nébuleuse créée par Ben Laden ( dont la famille a toujours pignon sur rue en Arabie saoudite)s’est constituée au cœur du royaume des Al-Saoud avec la bénédiction à l’époque de la CIA . Depuis, après le 11 septembre, les radicaux qui servaient de base arrière et de socle idéologique aux combattants de Al-Qaeda (dont Daech n’est qu’une filiale) ont fait profil bas mais les liens n’ont jamais été coupés. Et l’activisme des terroristes dans toutes les régions du globe est d’ailleurs toujours précédé par la construction de mosquées wahabites qui servent de bases idéologiques de l'Islam radical dans ces contrées.

Au moment où les Nations unies et les ONG tirent la sonnette d’alarme jusqu’où iront Abou Dhabi et Riyad qui font désormais cause commune avec AQPA ?

Ce n’est pas pour rien que la perspective d'un Afghanistan yéménite est aujourd’hui bien grosse de menaces, surtout que les combattants de Daech, en déroute en Syrie seraient bien inspirés de prendre le chemin d’Aden où ils trouveront à coup sûr gîte et couvert, fournis gracieusement par les frères wahabites.