Tribune : Yémen : L’Europe doit parler d’une même voix
Le secrétaire national d'Europe-Ecologie Les Verts, David Cormand prend position pour une poltiique européenne vis à vis du Yémen et notamment sur le traité pour le commerce des armes au niveau européen. Il nous livre ici son point de vue.
Quatre ans de chaos et de mort, quatre ans que les Yéménites paient le prix des jeux stratégiques des puissants de ce monde et que nous nous taisons par cupidité ou par peur de heurter des alliés bien peu glorieux. Selon le Armed Conflict Location and Event Data Project (ACLED), le bilan s’élèverait à 56 000 tués civils et combattants entre janvier 2016 et octobre 2018. Face à ce terrible constat, l’Europe doit sortir de son mutisme.
Le pays a basculé dans le chaos : les ONG décrivent la situation comme le plus grand drame humanitaire actuel. La population, prise dans les combats, doit aussi faire face à des pénuries de nourriture, à des manques d’eau et à l’épuisement des médicaments. Et certains pays européens ne sont pas étrangers à cette situation en continuant, au mépris des droits de l’homme et du droit de la guerre, à vendre des armes aux pays de la coalition arabe, notamment à l’Arabie Saoudite et aux Emirats Arabes Unis. Les droits humains sont ainsi niés au nom du profit et de contrats juteux, en particulier par la Belgique, le Royaume-Uni et la France. Pourtant, tous les Etats n’ont pas abjuré les valeurs européennes face aux intérêts économiques : l’Allemagne, la Norvège et les Pays-Bas ont limité leurs ventes d’armes à la coalition et cherchent à entraîner leurs partenaires européens. La France, elle, reste honteusement silencieuse et persiste à vendre des armes de haute technologie frappant les civils.
Face à l’abdication de la France et de ses semblables qui renoncent à leur valeur de fraternité, l’action européenne ne peut se limiter au financement de l’aide humanitaire, d’autant que les 60 millions d’euros donnés chaque année d’une main sont effacés de l’autre par les destructions causées par les armes et munitions européennes. Comme souvent, la diplomatie européenne fait pâle figure : incapables de parler d’une seule voix, les pays européens se retranchent lâchement derrière leurs intérêts nationaux. Pourtant, l’Union européenne dans son ensemble a un rôle crucial à jouer. C’est à elle de construire les garde-fous pour endiguer le cynisme des Etats membres qui sacrifient des civils pour vendre des canons. Une position commune doit être bâtie, stricte et fidèle à la tradition humaniste et pacifiste qui a présidée à la construction européenne, pour porter la voix du droit international et du respect des droits fondamentaux. C’est la position que portent les écologistes : une Europe forte et unie, capable de peser sur la scène internationale en portant un discours clair pour la paix, un discours de médiation et de protection des droits humains. Pour l’accompagner, il est indispensable que les dispositions de la position commune de l'Union sur les exportations d'armements – conditionnant notamment le commerce au respect des droits humains et du droit humanitaire international dans le pays acheteur – deviennent contraignantes pour les Etats et vérifiés de manière indépendante par les agents de l’Union européenne et des Nations unies. Les intérêts économiques ne peuvent pas passer avant les droits humains et les valeurs de paix entre les peuples. Alors que la situation internationale est de plus en plus instable et conflictuelle, que le droit international et le multilatéralisme sont attaqués par les grandes puissances dont les Etats-Unis et la Russie, l’Europe doit s’imposer comme un pôle de stabilité et un lieu de négociation. Les tensions auxquelles nous assistons ne feront que s’exacerber avec le changement climatique qui nourrit les crises autour des ressources et crée des pressions migratoires. Face à ces défis, au Yémen comme pour les conflits peu médiatisés ou à venir, l’Europe doit être érigée en plateforme pour la diffusion des valeurs de paix, de justice et d’humanité.