Lycéens humiliés à Mantes-la-Jolie : mobilisation avant les premières auditions
La scène humiliante, filmée, puis diffusée sur les réseaux sociaux le 6 décembre 2018 par un policier, avait choqué le monde entier. On y voyait 151 jeunes âgés de 12 à 21 ans aux abords d’un lycée de Mantes-la-Jolie (78) les mains sur la tête, les genoux au sol, tandis qu’on entendait une voix de policier dire ironiquement : « Voilà une classe qui se tient sage ».
Cinq mois après, le collectif de défense des lycéens du Mantois, né au lendemain de ces violentes interpellations tiendra un meeting public ce samedi 11 mai à 18h, au Cinéma Le Chaplin de Mantes-la-Jolie.
Les familles de certains interpellés, leurs avocats ainsi que leurs soutiens seront présents. Dans le cadre de l’enquête préliminaire. Plusieurs lycéens et collégiens vont être également auditionnés mardi 13 mai 2019 à l’IGPN (Inspection Générale de la Police Nationale) où un rassemblement est organisé à 10h. Yessa Belkhodja est membre du collectif. Entretien.
LCDL : Cinq mois après les faits, où en est l’enquête ?
Yessa Belkhodja : L’enquête préliminaire n’a été ouverte que récemment. Il parait que le temps juridique est souvent long. D’après les avocats, c’est aussi une manière de démotiver les familles…
Justement, votre collectif a été créé très vite, dès le lendemain des interpellations. Et il semblerait que vous êtes autant motivés cinq mois après…
Oui. C’est la force du collectif. Nous partageons cette même soif de justice. Dès le lendemain des interpellations, le vendredi 7 décembre donc, parents des concernés, professeurs, mais aussi des habitants de Mantes-la-Jolie nous nous sommes réunis. On ne voulait pas que les familles se débrouillent seules. C’est important dans ce genre de situation de créer un front uni. Le dimanche suivant, on a organisé une rencontre entre les familles et des avocats. Puis les jours suivants, nous nous sommes rendus aux abords des lycées de la ville pour calmer la colère légitime des jeunes.
Qu’attendez-vous de la justice ?
Même si nous ne sommes pas naïfs, et que nous savons que la justice est en général très clémente aves les policiers, on pense qu’il est important qu’un procès ait lieu afin que plus jamais, il ne se passe de telles choses. On espère même que la justice condamnera plusieurs policiers.
Quid des jeunes interpellés ? Comment se sentent-ils cinq mois après les faits ?
Une partie des jeunes ne veut plus entendre parler de cette histoire mais ils souhaitent tout même obtenir réparation alors ce sont leurs parents qui s’occupent de monter au créneau. D’autres sont plus « combattifs », ils ont compris qu’il s’était passé quelque chose de très grave et qu’il ne fallait rien laisser passer. Ils vont se battre jusqu’au bout. Et puis, il y en a quelques uns qui sont encore traumatisés, qui ont du mal à avancer. Nous connaissons l’un deux qui ne peut plus venir au lycée tout seul. Il demande à son père de le déposer. Un autre a été contrôlé dans le bus par un contrôleur, et ce simple contrôle l’a terrorisé. Il y a aussi tous ces jeunes qui ont des changements de comportement à l’école, de bons élèves qui deviennent insolents, qui répondent désormais aux profs….
Après les interpellations, une cellule psychologique a-t-elle été mise en place ?
Oui bien sûr, dans les établissements scolaires dès le lendemain des faits. Malheureusement, cela n’a duré qu’une seule journée et la plupart des concernés qui avaient besoin de souffler après cette terrible expérience, ont déserté l’école quelques jours et n’ont donc pas pu en bénéficier. Certains parents ont fait la démarche d’emmener leurs enfants consulter un psychologue. Les autres, le collectif tente de les aider. Nous avons prévu dans les prochaines semaines d’organiser des séances collectives, afin que la parole se libère.