Nouvelles mesures anti passeurs de migrants
En marge d’une séance de questions à l’Assemblée des représentants du peuple, le ministre de l’Intérieur Hichem Fourati a annoncé aujourd’hui vendredi une série de mesures sécuritaires censées lutter contre les réseaux de passeurs de migrants, interrogé à ce sujet par le député Yassine Ayari.
Le parlementaire questionnait le ministre initialement à propos du naufrage particulièrement meurtrier il y a un an d’un chalutier de migrants au large de l’île de Kerkennah, à Sfax, qui avait fait une cinquantaine de victimes identifiées, en plus de dizaines de disparus et de 68 rescapés.
« Je sais que cela avait eu lieu sous votre prédécesseur, mais j’ai maintenu ma question », a insisté le jeune élu en début de séance, qui s’étonne que près de 180 personnes aient pu se réunir à l’époque en toute tranquillité pour organiser la traversée en question. Une embarcation qui faisait route vers l’île italienne de Lampedusa.
Visiblement au fait du dossier, le ministre a d’abord détaillé les procédés sophistiqués employés par les passeurs afin de brouiller les pistes et faire diversion : « certains candidats à la traversée étaient venus sur l’île en compagnie de leurs parents, feignant une activité touristique pour tromper les contrôles. D’autres se sont rendus sur le lieu de l’embarcation en utilisant plusieurs zodiacs de petite taille en provenance d’autres plages avoisinantes. D’autres encore avaient loué des résidences provisoires, loin des regards des locaux, et ne les quittaient qu’une heure avant l’embarcation, après que les passeurs n’aient assuré leur ravitaillement en nourriture. Les aspirants migrants ont enfin évité de transporter de grandes sommes en liquide, et ont transféré les sommes requises via des mandats postaux, une fois qu’ils se sont assurés que les conditions de la traversée étaient réunies », a ainsi révélé Fourati.
Des milliers de tentatives avortées en 2018 et 2019
Le ministre a ensuite mis en avant le bilan du renforcement depuis du dispositif spécifique à la région côtière de Sfax, qui a abouti après la consolidation des patrouilles conjointes entre la Garde nationale et l’armée à l’avortement de quelques 2732 tentatives d’embarcation pour la seule année 2018, et l’arrestation de 11.400 aspirants à la migration, et 1399 passeurs et trafiquants d’êtres humains.
Quant à la période allant du 1er janvier 2019 au 31 mai 2019, Hichem Fourati révèle que ses hommes ont pu faire échouer 965 opérations d’embarcation de migrants, qui concernent 4128 candidats à la traversée, et 438 passeurs présumés en état d’arrestation. Des chiffres qui constituent en réalité une moyenne relativement stable, si l’on considère les chiffres de l’année 2018. Une faiblesse que n’a pas manqué de relever le député à l’origine de la question.
La même source révèle enfin qu’une enquête administrative a résulté en plusieurs licenciements d’agents et d’officiers, ce qui suggère clairement l’implication ou la complicité, « préoccupantes » pour le député, des forces de l’ordre déployées à l’époque.
Une unité hôtelière délaissée sur l’île de Kerkennah a été récemment réquisitionnée par le ministère de l’Intérieur, transformée en QG des forces de la Garde nationale. Une présence permanente qui a résulté selon Fourati en l’abandon de l’île par les réseaux de passeurs au profit de l’île de Djerba, devenue depuis peu la nouvelle plaque tournante des opérations d’embarcations irrégulières vers l’Europe, de l’aveu même du ministre.
Le 11 juin courant, l’intellectuelle Olfa Youssef a créé une vive polémique en appelant les jeunes candidats à l’examen du baccalauréat à « sauver leur peau » et quitter sans plus tarder la Tunisie une fois avoir réussi à décrocher leur diplôme.
« Mes enfants filles et garçons, sachez que vous n’avez plus de place dans un pays qui court à sa perte, entre fausses espoirs, et fiascos des bilans de ceux qui gouvernent. Quand les choses iront mieux, vous reviendrez. Aujourd’hui, réussissez puis fuyez cette terre misérable gouvernée depuis 8 ans par des hyènes », a-t-elle écrit dans un statut publié dans les réseaux sociaux, qui n’a pas manqué de faire réagir de nombreux parents d’élèves en colère.
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