Des sénateurs « épouvantés » par leur visite en centre de rétention
Hasard du calendrier ou pas, c’est la veille de la Journée mondiale de la lutte contre la traite d’êtres humains (30 juillet) que Les Inrocks ont publié un entretien avec trois sénateurs revenant à leur sortie d’une visite du centre de rétention administrative (CRA) de Mesnil-Amelot près de l’aéroport Roissy Charles de Gaulle.
Le CRA de Mesnil-Amelot a récemment été au cœur de l’actualité lorsque la Cimade, une des principales associations d’aide aux étrangers, a annoncé le 11 juillet son retrait du centre en raison de « violences extrêmes ». L’association dénonçait les tentatives de pendaison aux barbelés, l’isolement disciplinaire en cellule pour réprimer une grève de la faim et d’autres violences dues selon elle aux conditions de rétention et plus largement « la politique migratoire répressive » de la France.
Les entretiens menés avec le ministère de l’Intérieur n’ont pas permis de réunir les conditions du retour dans le CRA, explique l’association dans un communiqué. Les réponses du ministre de l’Intérieur « Christophe Castaner à la lettre envoyée par La Cimade et 21 autres associations sont laconiques. Et surtout, elles ne sont pas à la hauteur des enjeux qui se jouent dans ces lieux de privation de liberté. Le ministre ne répond pas sur les pratiques illégales des préfectures qui s’accélèrent, élude la question de l’enfermement des enfants, mais reconnaît les lacunes de “la prise en charge psychologique des personnes retenues” sans aucune proposition concrète », dénonce La Cimade.
Dans la foulée de ce communiqué, trois sénateurs socialistes, Claudine Lepage, Vincent Eblé et Yves Daudigny ont visité ce centre de rétention le 23 juillet conformément à leur droit de visite des lieux de privation de liberté. C’est la deuxième fois que des parlementaires visitent ce CRA depuis le début de l’année. La sénatrice Esther Benbassa avait effectué une visite surprise le 28 janvier. Mal accueillie, la parlementaire EELV y a découvert des conditions de vie indigne : chambres froides, sanitaires hors services et « un état de saleté particulièrement avancé », a-t-elle rapporté à nos confrères de Libération.
Malgré l’annonce préalable de leur visite, les trois sénateurs ont découvert des conditions de vie similaires à celles décrites par leur collègue. « Les conditions de vie sont terribles, vraiment honteuses », explique Claudine Lepage, ajoutant « j’ai déjà visité une prison et je peux vous assurer que les conditions n’étaient pas aussi terribles ».
« On est en présence de personnes qui n’ont fait l’objet d’aucune condamnation même si elles sont suspectées d’être en situation irrégulière. On leur doit un minimum », rappelle le sénateur Elbé. « Ce qui heurte là, c’est que la retenue n’est pas prononcée dans le cadre d’une décision de justice. On ressent un sentiment d’injustice en visitant ces personnes et en faisant le constat de leur détresse », ajoute Yves Daudigny.
Le sénateur de l’Aisne ne cache pas ses interrogations sur la politique migratoire qui est appliquée. « Comment des personnes de toutes nationalités, qui vivent en France et parlent français depuis parfois vingt ans, peuvent se retrouver dans cette situation ? Cette question me paraît fondamentale », explique-t-il.
(L’intégralité de l’interview sur le site des Inrocks ici)