Discriminations au travail : l’âge en 1er critère
ADP publie, pour la quatrième année consécutive, son étude Workforce View en Europe pour faire le point sur les comportements et l’état d’esprit des salariés au travail. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que la situation est préoccupante. 1 tiers des salariés disent avoir été discriminés à cause de leur âge, les seniors étant plus touchés que les jeunes. Viennent ensuite l'apparence (20%), le genre (19%), la formation (17%), etc.. Et c'est dans l'informatique et le secteur culturel que l'on observe le plus ce phénomène. Pour nous éclairer sur cette situation, nous avons posé 3 questions à Delphine Douetteau, responsable Talent et Développement d'ADP.
Le Courrier de l'Atlas : Dans votre étude, vous estimez que plus d’un tiers des salariés français déclare avoir été victime de discrimination. Quels sont les critères (âge, origine, sexe, orientation sexuelle ou politique) qui sont le plus mis en avant par les personnes discriminées ? Existe-t-il des secteurs où les salariés sont plus discriminés qu’ailleurs ?
Delphine Douetteau : 35% des salariés français disent avoir été victimes de discriminations au travail. L’âge semble être la première cause de traitements perçus comme inéquitables, et plus particulièrement vis-à-vis des plus de 55 ans. Les plus jeunes le ressentent, mais dans des proportions bien moindres : 22% des seniors, 14% des moins de 25 ans.
Les autres critères sont l’apparence (pour 20% des répondants qui disent avoir été confrontés à des discriminations), puis le genre (19%), suivi par la formation (17%), l’expérience (11%). Dans le bas du tableau on retrouve les origines (9%), l’orientation sexuelle (7%) et enfin la religion, pour 3%.
Si on regarde les différents secteurs, deux d’entre eux ressortent particulièrement. Celui de l’informatique et celui des nouvelles technologies avec 47% des répondants qui disent avoir été touchés par des discriminations et principalement à cause de leur apparence (12%) et de leur cursus de formation (11%). L’autre secteur remarquable est celui des employés de la culture ou 46% des personnes interrogés disent avoir été confrontés à des discriminations, principalement à cause de leurs origines et de leur genre (15% dans les deux cas.)
LCDA : La France est-elle un phénomène unique sur la discrimination en Europe ou c'est une tendance que l'on retrouve partout sur le continent ?
Delphine Douetteau : Il est important de noter que si le phénomène reste à des niveaux toujours trop importants, la tendance est à la baisse, avec un recul de 4% depuis l’année dernière. Par ailleurs, oui, il y a des disparités relativement importantes en Europe. Les Britanniques (38%), les Français (35%) et les Italiens (34%) disent être confrontés aux discriminations bien plus souvent que les salariés des autres pays. La situation semble nettement meilleure au Pays-Bas avec près de deux fois moins de salariés (18%) ont dû faire face à des discriminations.
LCDA : Quels sont les moyens d’action pour lutter contre la discrimination au travail ? Sont-ils suffisants ?
Delphine Douetteau : Heureusement, il y a une tendance positive de la part des entreprises à agir pour éviter ce type de comportements. Seulement pour agir, il est nécessaire dans un premier temps de mesurer et d’identifier les écarts afin de cibler davantage les actions. La loi impose désormais aux entreprises de plus de 250 salariés – et ce sera bientôt étendu aux autres au printemps prochain – de publier un index de l’égalité professionnelle et c’est incontestablement un pas dans la bonne direction.
Cependant, au-delà des obligations légales, les entreprises ont tout intérêt à se doter d’outils qui pour suivre les évolutions, en termes de rémunération, de progression professionnelle, de formations etc. de leurs salariés, ce qui – en plus d’apporter une vision fine de leur capital humain – peut permettre de détecter des anomalies dans la progression de certains collaborateurs et mettre à jour des biais qui les auraient influencé.
Les entreprises n’exploitent pas encore suffisamment ces données et ont parfois des difficultés à avoir une vision fine du réel pour la comparer avec ce qui est ressenti par leurs salariés et leurs managers, alors que cette vision est souvent nécessaire pour agir car c’est une fois les potentiels écarts mesurés que les directions peuvent construire des plans d’actions pour corriger d’éventuelles injustices.