Abdulmonam Eassa : « Être photojournaliste, c’est décrire une vision de la vie. »

 Abdulmonam Eassa : « Être photojournaliste, c’est décrire une vision de la vie. »


A seulement 24 ans, le photojournaliste syrien Abdulmonam Eassa a gagné le Visa d'or humanitaire du CICR (Comité Internationale de la Croix Rouge) lors de la dernière édition de Visa pour l’image pour son reportage « La fin inespérée du siège » dans son pays d’origine. 


Dernièrement, vous avez été récompensé au festival Visa pour l’image pour votre reportage en Syrie « La fin inespérée du siège ». Votre particularité est que vous êtes originaires des lieux. Était-ce plus facile pour vous de couvrir la Ghouta orientale?


Je pense qu’étant né là-bas, ayant grandi ici, j’avais plus de facilités. Malgré cela, j’ai dû beaucoup documenter sur la situation, qui était tendue et risquée. Je n’avais aucune expérience, que ce soit dans la photo ou dans le reportage. J’ai donc appris sur le tas. Avec le recul, j’estime avoir eu beaucoup de chance de couvrir ce type d’actualité. D’ailleurs, c’est grâce à cela que j’ai pu collaborer avec l’AFP. L’agence n’avait pas accès à la région de Ghouta orientale. Ils ont donc souhaité que je couvre la région.


 


Quelles ont été vos difficultés sur place?


Comme je le disais, le contexte sur place est très dangereux. Je traitais des massacres et des attaques du gouvernement syrien envers la population. Les lieux que j’ai couverts étaient les mêmes que ceux où j’avais grandi. Je connais beaucoup de monde, personnellement. Que ce soit mes amis ou même mes voisins. Cela m’a affecté. C’était compliqué de travailler dans ces circonstances.


 


Que pensez-vous de la couverture médiatique de la guerre en Syrie?


Je ne peux pas vraiment donner une opinion là-dessus. Déjà, il faut savoir que les journalistes internationaux ont du mal à pénétrer dans le territoire syrien. C’est une mission complexe. Leur couverture est donc différente. À mon sens, il est plus facile pour les journalistes locaux ou les correspondants, présents continuellement sur place de traiter avec profondeur ce qui se passe en Syrie. Ils ont les bases pour comprendre le contexte.


 


Comment êtes-vous devenu photojournaliste?


J’ai commencé en 2014 avec des amis. Puis, j’ai travaillé dans un média local près de chez moi. Ma première expérience, en tant que reporter était difficile parce que je n’avais pas assez d’expérience, notamment pour raconter quelque chose visuellement. J’ai suivi les conseils de mes amis, sur Internet en regardant des vidéos. Petit à petit, mon travail a pris de l’importance. C’est ainsi que j’ai été mis en contact avec l’Agence France-Presse pour couvrir la Syrie.


 


Changement de décor. L’an dernier, vous couvrez le mouvement des Gilets jaunes en France. Une série de reportages en découlera. Racontez-nous votre expérience.


J’ai été venu en France pour d’autres raisons. Il se trouve que j’ai été surpris de découvrir les Gilets jaunes et la violence qui s’en dégageait. Cependant, cela m’intéressait et j’en ai profité pour continuer mon travail visuel au cœur des manifestations. Je voulais savoir l’origine de cette colère en France, en Europe. La situation n’est pas comparable à la Syrie. Là-bas, c’est un contexte de guerre. Il y a des morts et une dérive des Droits de l’Homme.


 


Vous êtes encore très jeune. Comment envisagez-vous l’avenir?


Pour moi, la profession de photoreporter, c’est décrire une vision de la vie. Je suis passionné par ce que je fais, même ce n’est pas toujours évident dans ce milieu. C’est une façon de gagner ma vie en y apportant un certain sens.