Rejet du fonds de la Zakat à l’Assemblée

 Rejet du fonds de la Zakat à l’Assemblée


Coup de théâtre à l’ARP : le bloc Ennahdha a connu mardi ce qui constitue probablement l’un de ses plus grands revers de son histoire parlementaire : la proposition par le parti islamiste d’un fonds « Zakat » a été rejeté par 93 voix contre, 74 voix pour, et 17 abstentions. Récit.



 


La déconvenue est d’autant plus importante qu’il s’agissait là d’une promesse phare du parti de Rached Ghannouchi lors de la campagne pour les dernières élections législatives, et qu’en règle générale le parti s’assure en amont de la supériorité numérique préalablement à de tels votes clés.


Le projet, critiqué par une partie de la classe politique notamment pour la confusion qu’il entretient à dessein entre le religieux et les finances de l’Etat, était proposé dans le cadre d’un amendement proposé par Ennahdha relatif à la création d'un fonds destiné aux dons, intégré au vote des articles supplémentaires du projet de loi de Finance 2020.


Autre grande critique adressée à l’encontre du texte, le fait qu’outre la pérennisation d’une certaine culture de l’aumône pour résoudre diverses crises économiques, la mesure n’est pas sans rappeler le fonds « 26 – 26 » (du nom de son adresse postale) créé à l’époque de l’ancien régime et qui agissait par des moyens de coercition directe et indirecte lors de la collecte des « dons » auprès des organisations et des personnes.


 


Premier incident d’envergure Ennahdha VS Qalb Tounes


Politiquement, le vote qui inflige un camouflet à ses instigateurs est surtout une première brèche dans l’éventuelle coalition au pouvoir qui se dessinait entre Ennahdha et le parti de Nabil Karoui.


Après que le chef du bloc Qalb Tounes, Hatem Mlika, ait défendu lundi bec et ongles le projet sur les plateaux TV, le bloc en question (38 sièges) a finalement opéré un revirement à 180 degrés et voté contre le fonds Zakat à la dernière minute, évoquant « des ambiguïtés en ce qui concerne un amalgame entre les aspects religieux et civil notamment au niveau de la composition de la commission nationale proposée ».


Visiblement soucieux de donner des gages de transparence, Ennahdha avait pour rappel expliqué à qui voulait bien l’entendre que ce fonds serait supervisé par un organisme national représenté par la présidence du gouvernement, les ministères des Finances, des Affaires sociales, des Affaires religieuses, l’Instance de lutte contre la corruption (INLUCC), l’Université Zitouna, l’office de l’Ifta, ainsi que l’association Tunisienne des Sciences de la Zakat.


Pour « marketer » sa proposition, les députés Ennahdha prétendaient que « le fonds pourrait générer des revenus annuels estimés à 2 milliards de dinars », destinés aux classes vulnérables et aux familles démunies en offrant également « des bourses aux élèves, aux étudiants, aux jeunes chômeurs et aux orphelins, tout en encourageant les initiatives économiques des sans profession ».


Le rejet essuyé mardi laisse augurer d’un rejet similaire du « Fonds Dignité », autre fonds destiné à collecter des ressources (10 millions de dinars) censés bénéficier aux victimes de l’ancien régime dans le cadre de la justice transitionnelle, en majorité d’anciens opposants islamistes.