8 mars. La médecine au féminin

 8 mars. La médecine au féminin

Dr Hind El Haloui, spécialiste émérite en médecine interne.

On peut présenter Hind El Haloui comme spécialiste émérite en médecine interne, mais elle se voit tout simplement comme un « médecin » et refuse de voir ce qu’elle fait comme une posture exceptionnelle. Pour célébrer le 8 mars, nous avons choisi de mettre en avant cette femme médecin qui n’est ni vedette ni star, mais qui exprime bien l’image type d’un praticien, spécialiste de surcroît, refusant de quitter l’hôpital public pour rester dévouée à ses patients. Porteuse de valeurs altruistes, considérant la médecine comme une vocation où l’on privilégie le travail d’équipe, la compassion et la bonté universelle.

 

Était-ce un hasard du moment ? On a pu noter qu’en pleine tragédie du Covid, alors que la pandémie faisait des ravages dans la population locale mais également dans les rangs des praticiens, une praticienne, interniste de formation, gérait le pavillon Covid de la ville de Mohammedia avec un optimisme rare. Tout en respectant le protocole médical, la spécialiste n’hésitait pas à passer dans les rangs des malades pour gratifier l’un d’un sourire, encourager un malade en détresse respiratoire ou encore s’enquérir, en pleine nuit, de l’état d’un autre patient.

« Je ne connais pas de médecin plus engagé qu’elle. Son regard sur les patients est inspiré, on a juste l’impression que, pour elle, la médecine est un sacerdoce mais surtout une transmission de valeurs », rappelle l’un de ses collègues, particulièrement frappé par la constance de la dame en des moments aussi dramatiques.

Casablancaise de naissance, après l’obtention de son baccalauréat en sciences expérimentales en 1989, Hind El Haloui va se mettre en ordre de bataille pour décrocher haut la main le diplôme de doctorat en médecine au CHU de Casablanca en juillet 1997. Mais l’insatiable ne va pas s’arrêter si tôt. Armée d’une détermination à toute épreuve, la jeune médecin enchaîne avec une formation pointue, couronnée en 2004 par l’obtention du prestigieux diplôme de spécialité en médecine interne au même CHU de Casablanca.

En principe, ce doctorat ouvre toutes les portes et les médecins internistes, considérés comme la crème de la médecine, s’arrachent à prix d’or. Mais la jeune praticienne n’en a cure : c’est dans le secteur public qu’elle désire travailler, car elle voit ce métier avec le regard des anciens, ceux qui ont fait du serment d’Hippocrate une façon d’être. Autrement dit, porter secours à ceux qui souffrent, à ceux qui ne sont ni riches ni puissants, aux malvenus, aux mal aimés. D’où son affectation à l’hôpital My Abdellah de Mohammedia en mai 2005.

Et parce qu’elle a accompagné des malades en pleine détresse, c’est son courage, bien réel, mais aussi la grandeur de son humanisme qui l’ont portée et conduite à franchir les obstacles. Dès le début, elle s’est posée comme l’amie des démunis, l’ange gardien qui se propose, dans un cas, d’accompagner un malade sans le sou, de trouver un arrangement pour une femme SDF qui n’a plus où aller, ou encore d’aider un patient qui traîne des blessures sociales incommensurables. Tous ces cas ne lui font pas peur ; au contraire, elle se démène comme elle peut pour venir en aide à ceux qui en ont besoin, en plus de leur fragilité sanitaire.

Il faut bien connaître le parcours d’une femme compétente, présente et prête à tous les sacrifices pour mesurer combien il a été dur d’adopter une attitude si forte et digne, à sa façon de gérer les choses, même les plus difficiles, à sa manière d’être extrêmement présente tout en restant pourtant à la place qui était la sienne. Mais aussi parce qu’il semblait légitime, à une spécialiste qui pouvait ramasser des tonnes d’argent dans le secteur privé, d’honorer le médecin en elle qui portait ce combat dont Hippocrate serait bien heureux.

Bonne élève, elle aime apprendre et tous ses patients vous le diront : « Nous n’avons jamais vu un praticien aussi à jour que le Dr El Haloui, elle semble être au courant des dernières découvertes en médecine. » Pourquoi devenir médecin, et d’autant plus spécialiste en médecine interne, si l’on n’a pas la niaque, la volonté de comprendre des maladies complexes et de suivre les patients au long cours, avec les responsabilités que cela implique ? De là à coupler médecine et humanitaire, il y a un pas, vite franchi.

Néanmoins, il lui avait fallu travailler d’arrache-pied pour s’imposer dans un milieu difficile qui interpelle nos relations hommes-femmes. Discrète et très humble, le docteur El Haloui n’a peut-être pas besoin qu’on dise du bien d’elle. Ses malades et tous ceux qui l’ont côtoyée vous le diront : rare, voire jamais, un médecin ne prend la peine de s’enquérir de son malade, de s’assurer qu’il a bien suivi son traitement, même après sa sortie de l’hôpital.

Enfin, et il faut le dire, il a été difficile, voire presque impossible, de recueillir l’approbation de l’intéressée pour lui rendre hommage, saluer ses compétences, sa détermination et cette noblesse d’âme.