8 Mars – Aicha Mezroua, une femme, un destin
A l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, nous avons fait le choix de tracer le parcours d’une femme d’exception, Aicha Mezroua, qui se bat au quotidien dans le monde associatif pour que des femmes retrouvent leur dignité, que les mentalités évoluent dans le bon sens et que l’égalité progresse. Une sorte de témoignage inspirant pour susciter davantage de femmes à sauter le pas et pour sensibiliser, femmes et hommes, à œuvrer ensemble pour pouvoir un jour arriver à une parité apaisée.
C’est une figure connue du monde associatif de la cité des fleurs, une femme au sourire éternel, d’une empathie légendaire et d’une rare disponibilité. A Mohammedia, Aicha Mezroua, ce nom qui revient sans cesse dans la bouche des exclus, des démunis et de nombreuses femmes en souffrance. C’est que la dame en impose, même si elle ne suit guère « les chemins qui mènent à Rome ». Sensible aux questions de domination masculine et aux méfaits du patriarcat, Aicha Mezroua refuse néanmoins de s’enfermer dans une radicalité féministe même si elle pense néanmoins que « toute personne, un tant soit peu douée de bon sens, doit se désolidariser de la pensée dominante et du bruit sociétal qui l’entoure ».
Vérité et courage l’ont accompagnée très tôt dans son parcours de vie atypique. A la fois ancrée dans son époque et imperméable à l’air du temps, la dame qui voit dans son bureau tous les jours la misère du monde s’accumuler sous les traits de femmes battues, d’épouses abandonnées avec une ribambelle de mômes, d’individus soumis à la galère de l’exclusion pratique une empathie qui la submerge parfois d’une colère émotionnelle difficile à contenir. Depuis, elle vogue de projets associatifs en engagements militants avec cette autorité naturelle que Dieu Seul confère à certaines de ses créatures, le sourire toujours chevillé au visage.
Face à tant d’injustices, que faire ? Aicha Mezroua a une formule dont elle use souvent « vous savez, quand on ne peut pas changer une situation, on l’améliore ». Et l’amélioration dont parle cette activiste de la lutte contre toutes les formes d’exclusion, se concrétise par les actions de terrain menées notamment en compagnie du président et des volontaires du Croissant-Rouge (dont elle est membre du bureau exécutif). Au-delà des sorties épisodiques liées à des situations d’urgence comme la période de grand froid, ces équipes s’attachent à accompagner les personnes soumises à des difficultés passagères, à travers une maison de retraite, un orphelinat et l’institut médico-social ou encore les multiples services de soins infirmiers à domicile. Son approche est celle d’une femme de terrain, à l’écoute de gens de cultures, d’âges et de parcours différents, décrite par ses proches comme « généreuse et profondément humaniste ». Pour elle, l’humain, les hommes passent avant tout : « si nous faisions leur bonheur, ils feraient aussi le nôtre », explique l’intéressée.
Le refus du compromis et la quête infinie de l’engagement sont-ils inconciliables avec une vie de famille ? Apparemment non, puisque Aicha Mezroua a réussi le pari fou de mener à bien sa carrière de « Madame Théresa » au service de l’autre et son statut de mère transmettant à ses filles (son unique garçon, adulte aujourd’hui, n’est d’ailleurs pas en reste) des valeurs qui ont bâti leur personnalité sur du solide. Résultat, toutes ses filles, fortes de personnalité ne s’en laissent pas conter et semblent, elles aussi avoir réussi à former des couples harmonieux, loin des conflits de genre que peuvent connaître les mariages d’aujourd’hui.
Et justement, la surprise ne vient pas tant du fait que la dame est engagée auprès des femmes en souffrance et elles sont bien nombreuses mais elle ne va pas jusqu’à sacrifier sa liberté de penser sur l’autel de l’activisme féministe puisqu’il lui arrive souvent de faire faux bond aux féministes enragées, n’hésitant pas à les mettre devant leurs contradictions quand il le faut. Le bon sens lui suggérant sans doute d’associer les approches pour réconcilier les femmes et les hommes de bonne volonté, loin des querelles de clocher stériles.
Toute la beauté morale de la personne se résume dans ses personnages cultes. De Che Guevara à Thomas Sankara en passant par Abou Darr Al Ghaffari, ce compagnon du prophète célèbre pour sa conception prématurée du socialisme. Un chevalier précurseur qui, bien avant ce héros occidental de Robin des Bois (vivant au cœur de la forêt de Sherwood, épris de liberté et de justice, qui venait en aide aux pauvres en détroussant les riches) n’hésitait pas à exprimer sa révolte contre l’inégalité et la nécessité impérieuse de la distribution équitable des richesses. Pour cette dame, le combat contre les inégalités ne peut être mené seulement par des militants de causes sociétales mais il nous concerne tous à divers titres.
Aicha Mezroua cite souvent ses philosophes préférés, Sénèque quand il dit que « le don est toujours le même, ce qui diffère, c’est la façon dont il est fait », Aristote quand il pense que « l’amitié est comme une âme dans deux corps », ou encore Epictète qui assène que « nul ne peut te léser, si tu ne le veux point, car tu ne seras lésé que si tu juges qu’on te lèse » ! La directrice du centre de qualification sociale de la ville reçoit tous les jours des personnes qui peinent à sortir du gouffre, elles repartent apaisées, au terme d’une simple discussion. De façon naturelle, elle maîtrise un art de l’écoute qui semble tellement naturel qu’on a l’impression qu’elle pratique l’art du « kintsugi », cette philosophie venue du Japon, inspirée de cet art qui consiste à réparer les objets brisés avec une laque, dans une sorte d’acceptation de ses imperfections qui incite chacun de nous à aborder ses échecs, blessures et autres maux de la vie d’une nouvelle manière invitant, à transcender les épreuves et « à transformer son propre cuivre en or ».
Des vœux pour l’avenir ? Aicha Mezroua voudrait tout simplement continuer à œuvrer dans l’humanitaire pour aider les gens à reprendre goût à la vie et pousser à la compréhension mutuelle entre les gens.