53 mille migrants ont tenté d’atteindre l’Europe via la Tunisie en 2024

 53 mille migrants ont tenté d’atteindre l’Europe via la Tunisie en 2024

Quelque 52 972 personnes ont tenté de franchir clandestinement les frontières maritimes vers l’Europe depuis la Tunisie depuis le début de l’année, un record annoncé le 21 mai de source officielle.

Impressionnante, la statistique a été donnée mardi par le ministre de l’Intérieur, Kamel Feki, lors d’une séance d’audition parlementaire consacrée à la question migratoire devant la commission des Relations extérieures, de la Coopération internationale, des Affaires des Tunisiens à l’étranger et de la migration de l’Assemblée des représentants du Peuple (ARP).

 

Un nouveau record qui en cache un autre

Précision importante : près de 92 % des migrants en question sont des étrangers, essentiellement venus d’Afrique subsaharienne. A titre de comparaison, l’ONG Info migrants rapportait qu’en 2023, la part des non-Tunisiens dans les embarcations était déjà de plus en plus élevée, 78% l’an dernier contre seulement 59% en 2022.

Autre donnée de taille, en 2023 près de la moitié des 146 000 migrants arrivés par bateau en Italie étaient partis des côtes tunisiennes. Si l’on considère que moins de cinq mois écoulés durant l’année 2024 l’équivalent d’un tiers de l’ensemble des migrants ayant atteint les côtes de l’UE en 2023 a été empêché de le faire, les enseignements sont multiples mais certainement moins mélioratifs que ne le suggèrent les autorités tunisiennes.

Cela implique en effet qua la cadence de l’arrivée des migrants en provenance des pays du Sud demeure en nette progression, malgré les subventions européennes reçues par l’Etat et les efforts des forces sécuritaires et militaires sur les côtes et les frontières intérieures du pays pour déjouer ces entrées massives en trois ans.

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« La seule approche sécuritaire ne suffit plus »

« La migration irrégulière est un phénomène composite et complexe. Son éradication revient à mettre en œuvre des approches politiques, économiques, sociales et diplomatiques plus opérantes », a martelé le ministre considéré comme idéologiquement le plus proche du président Kais Saïed, sans pour autant expliciter les politiques alternatives dont il s’agit.

Critiqué par l’opposition pour régulièrement occulter et ménager le rôle du voisin algérien dans son laxisme présumé dans la gestion de ce dossier, le pouvoir tunisien a esquissé cependant un début de critique :

« A cela s’ajoute le devoir qui incombe aux pays voisins de la région et à nos partenaires européens de collaborer et de coordonner étroitement avec notre pays dans la perspective d’atténuer les retombées de la migration irrégulière qui se font sentir en Tunisie », a notamment insisté Feki.

Tenus de transmettre les préoccupations de leurs circonscriptions respectives, les députés ont saisi l’opportunité de cette séance pour relater des témoignages sur les situations sécuritaire, sociale et sanitaire tendues qu’endurent plusieurs régions du pays « en raison des flux continus de migrants irréguliers ».

Des flux sans cesse grandissants laissent entrevoir de nombreuses questions sans réponse dans la gestion de ce dossier, ont dénoncé les députés de la commission, pointant à ce titre “l’opacité” autour de la manière dont ces migrants irréguliers entrent en Tunisie et la “cartographie” de leur présence dans plusieurs régions du pays.

Répondant à ces interrogations, Feki a néanmoins affirmé que la migration est un phénomène mondial dicté par les transitions géopolitiques que connaît le monde d’aujourd’hui, dont la détérioration des conditions socio-économiques de bon nombre de pays africains, soulignant que la Tunisie est parvenue à réaliser des “progrès remarquables” pour enrayer ce phénomène. « Une façon de botter en touche » pour les rares voix dissonantes encore présentes au Parlement. En 2023, plus de 1.300 migrants partis de Tunisie sont morts ou disparus en mer.

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