318 « Portraits de France » pour plus de diversité dans l’histoire
Le constat est cinglant : L’immigration et l’outre-mer sont trop peu mis en avant dans l’histoire de France. L’exposition gratuite « Portraits de France » jusqu’au 14 février 2022 au Musée de l’homme ouvre cette page méconnue.
En mars 2021, à la demande du Président de la République, Emmanuel Macron et de la ministre déléguée à la Ville, Nadia Hai, un comité d’experts rend un rapport incarnant des biographies de 318 personnalités de la diversité française. Fruit du travail du groupe Achac, dirigé par l’historien Pascal Blanchard, on y découvre ces hommes et femmes qui ont fait l’histoire de France de la Révolution Française à nos jours.
De ce travail, une exposition gratuite « Portraits de France » donne une autre vision des 230 dernières années de l’histoire de l’Hexagone. Un travail de recherche nécessaire, à l’heure où certains utilisent l’histoire pour effacer les traces du multiculturalisme français. « Certains ont des mémoires sélectives de l’histoire de France, indique la ministre déléguée chargée de la ville, Nadia Hai. Ils l’interprètent dans le but de leurs propres intérêts personnels. Il est bon ton aujourd’hui de rétablir les vérités et de prendre l’histoire dans toute sa complexité. C’est ce que font des chercheurs, des experts et des scientifiques. Ce lien avec le politique est essentiel, voire même déterminant compte tenu de l’actualité nationale et internationale. »
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De la Révolution Française à nos jours
Cette présence de la diversité, on la retrouve dés la Révolution française et les années qui suivent avec des personnages tels que Toussaint Louverture, ou Omar Victor Diop. Par exemple, on se remémore aussi le franco-cubain Severino de Heredia, ancien président du conseil municipal de Paris à l’origine des médiathèques. Sans oublier les soldats coloniaux durant les deux guerres mondiales, les artistes tels que Wolinski, Rachid Taha ou Assia Djebbar. Lors d’un colloque organisé au musée, les différents intervenants ont pu constater la sous représentation des personnalités issues de l’immigration et des outres-mers surtout dans le contexte de montée de l’extrême droite en France.
Comme l’indique l’historien Pascal Blanchard, il ne s’agit pas de faire du « remplacisme ». Pour lui, « l’histoire de France est dans la complémentarité de ceux qui ont fait le récit. Il faut de l’espace pour tous. L’espace public est assez grand et assez vaste. Les occasions sont assez nombreuses pour trouver de l’espace pour chacun avec une connaissance équivalente. Je vous rappelle qu’on inaugure une médiathèque tous les quatre jours. Il y a des stades, des pistes d’athlétisme, des stations de tramway, des quartiers, etc.. Il y a encore beaucoup de rue de la plage, marguerites ou roses pour permettre plein d’imagination pour nos maires et nos élus pour donner une respiration avec ces 318 personnalités qui ont fait l’histoire de France. »
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Do Huo VI, El Ouafi, Djibaou et les autres
En mettant en lumière ces « Portraits de France », on se rend compte de l’évolution de la perception de cette diversité du paysage français. Tantôt compositrice connue, aviateur mort durant la première guerre mondiale ou acteur, ils ont tous su montrer leur importance dans le paysage historique français. Une exposition qui relève aussi le rôle des femmes dans l’histoire et celui encore plus minoré des femmes de la diversité. « Nous les historiens, nous manquons de sources pour capter la réalité féminine de ces mobilisations, indique l’historienne Naima Yahi. La diversité, c’est aussi la diversité de genre. Et que dire de celles de la diaspora, de l’immigration ou du fait colonial ? Elles sont encore plus invisibles. Pour compenser ce phénomène de double peine (femme et diversité), nous essayons d’investir des figures tutélaires qui ont porté ces causes, notamment sur l’égalité femmes-hommes ou contre la colonisation. »
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Un travail d’éducation salutaire
Outre les portraits, on peut observer une affiche d’Henri Salvador, le maillot du marathonien El Ouafi ou des coupures de presse qui couvre la mort du leader kanak, Jean-Marc Tjibaou. Ce coup de lumière doit faciliter l’imaginaire des édiles pour une meilleure représentation de la France. Un travail que Fadela Mehal, présidente des Mariannes de la Diversité, qualifie d’éducation salutaire. »C’est important qu’il y ait des outils pédagogiques telle que l’exposition. Elle est très belle et bien écrite. Ces hommes et femmes que l’on voit montrent que le combat n’est pas terminé. Rien n’est définitif »
Ainsi, la récente entrée au Panthéon de Joséphine Baker sans polémique, montre que la France est prête à faire de la place à la diversité dans l’espace public. La reconnaissance pour les personnes immigrées et des outre-mers en est a ses balbutiements. La liste des 318 devrait voir arriver de nouveaux noms chaque année.